Marie (Camille Chamoux) anime une émission de radio féministe. Simon (Damien Bonnard) enseigne l’histoire (ou les sciences politiques ?) à l’Université. Ils sont amoureux, en couple depuis une dizaine d’années, parents d’une fille et d’un garçon en bas âge aussi charmants que turbulents… et ne se supportent plus ! Les travers de l’autre, ses petits défauts véniels sur lesquels ils fermaient les yeux jusqu’à présent au nom des inévitables concessions que la vie en couple exige leur sont devenus intolérables. Est-ce le signe de la fin inéluctable de leur relation ? ou trouveront-ils les moyens de dépasser cette crise en rédigeant ensemble puis en mettant en oeuvre une « charte du couple » ?
J’avais eu la dent dure avec le précédent film d’Ilan Klipper, "Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête", qui mettait en scène un écrivain sans succès interné d’office en hôpital psychiatrique. Je l’aurai presqu’autant avec celui-ci malgré l’insistance des amis qui l’ont aimé et qui ont essayé sans succès d’infléchir ma sévérité. J’avais reproché au "Ciel étoilé…" d’être « un de ces petits films français comme on en filme treize à la douzaine » et pourrais au mot près adresser la même critique à ce Processus de paix qu’on aura oublié avant la fin du mois – et je doute que la Fête du cinéma le sauve d’un naufrage au box-office. Pas sûr que son public-cible, les trentenaires, accepte de prendre une baby-sitter et de lui consacrer leur seule sortie cinéma du mois, même si la concurrence en ce juin tristounet n’est pas féroce…
"Le Processus de paix" traite d’un sujet mille fois rebattu : le couple et ses apories. Le résumé qui en barre l’affiche, à la syntaxe pachydermique, voudrait moderniser un défi vieux comme Adam et Eve : « Qu’est-ce qu’on fait quand on s’aime et qu’on peut plus se blairer ? ». U2 l’avait dit avec moins de mots et plus de style : « With or without you ».
Marie et Simon s’aiment – ça ne saute pas aux yeux – mais s’engueulent beaucoup – ça s’entend beaucoup. Que faire aurait dit Lénine ? La solution traverse l’esprit de Simon tandis qu’il enseigne à ses étudiants, entre deux piquets de grève, les conflits israélo-palestiniens : signer un protocole de paix. La métaphore est lourdingue : le couple est comme la vie une guerre permanente que pourront peut-être interrompre les belligérants s’ils acceptent de s’asseoir autour d’une table et de négocier de bonne foi. C’est ce que raconte, sans rougir, Illan Kepler en interview qui confie avoir commencé une thèse sur le processus de paix israélo-palestinien et avoir rencontré Ehud Barak qui lui a raconté les relations interpersonnelles qui se tissaient entre les plénipotentiaires.
Me frappe un paradoxe, sinon une contradiction qui renvoie plus au film lui-même qu’à l’époque dans laquelle nous vivons et avec laquelle, l’âge aidant, je me sens de plus en plus en décalage. D’un côté, notre époque semble obsédée par le couple, la façon de rencontrer l’Elu.e, de nouer une relation, de la faire vivre malgré les obstacles qui s’accumulent. De l’autre le nombrilisme, le narcissisme prévaut ; chacun s’auto-analyse et instruit contre l’autre un procès en égoïsme qui n’est que le miroir de ses propres travers.
Il y a dans l’hystérie – je pèse mes mots – de Marie et de Simon trop de bruit et de fureur, trop d’énervements à des petits riens qui ont tôt fait de nous gâcher la vie si on leur donne trop d’importance (est-il si grave que son conjoint ne referme pas le tube de dentifrice ?), trop d’attachement au couple lui-même qui ne saurait constituer le seul moyen de s’épanouir, à l’exception des amis, des sorties, des loisirs, du travail qui peuvent, autant que lui, donner du sens et du sel à la vie – et dont Le Processus de paix ne dit rien -, pas assez de respect pour l’autre, pour son irréductible différence qui donne du prix à sa singularité (faut-il partager les mêmes opinions pour s’aimer ?), pour la part de mystère dont il sait encore s’entourer et qui ajoute à son charme ?