Pour son premier long-métrage en tant que réalisatrice, l’actrice Charlotte Le Bon adapte un roman graphique de Bastien Vivès (Une sœur), en le transposant de la Bretagne au Canada. C’est la chronique d’un été et d’un moment d’adolescence entre le monde des petits et le monde des grands. Où il est question de soif de vie et de sensualité, mais aussi d’appréhensions ou de peurs. Un espace-temps d’expérimentations, drôles, jouissives ou cruelles. Topo classique, éculé ? Oui et non. Le film est comme une épure du sujet, toujours très juste et sensible, avec en filigrane un soupçon d’étrangeté, une inquiétude, qui titillent la curiosité. Il y a d’abord la fascination morbide du personnage féminin central, Chloé, pour les poses cadavériques et les fantômes. Il y a aussi la réalisation et la musique qui sans cesse contrebalancent la légèreté du récit, l’une en captant des ambiances de fin du jour aux effets mélancoliques, l’autre en déployant des nappes sonores qui sont comme des échos d’un au-delà. Torpeur et gravité. La caméra de Charlotte Le Bon est très connectée à la nature, à ses lumières comme à ses ombres, saisies en 16 mm, dans une jolie texture granuleuse. Espace lacustre ouvert sur les possibles. Reflets mordorés sur l’eau. Marécages troubles. Îlot à la verdure impénétrable. Et chemins sinueux qui s’enfoncent dans les bois. La poétique des éléments est finement associée à la trame narrative. La caméra est aussi très connectée aux corps des deux protagonistes ados, comme à leurs psychés chahutées. Les deux jeunes comédiens, bien dirigés, dégagent une fraîcheur et un naturel formidables, sans aucune minauderie, et offrent une très agréable « familiarité ». Enfin, la dimension fantastique que l’on devine trouve un aboutissement aussi délicat que touchant, et laisse, de manière minimaliste, sur une douce note de tristesse. Après coup, en reconsidérant le déroulé du film, on apprécie d’autant plus la subtilité de sa construction dramatique. Mystère et poésie. Maîtrise et beauté.