Rebecca Zlotowski s’est à l’origine attelée à l’adaptation d’un roman de Romain Gary, Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable, consacré à l’impuissance d’un homme à l’aube de ses soixante ans. Roschdy Zem devait en tenir le rôle principal. Mais la réalisatrice et scénariste s’est retrouvée en difficulté, « Non pas que je n’arrivais pas à me projeter dans cet homme qui n’arrivait plus à bander ou craignait de ne plus… Mais peut-être parce que je m’y projetais trop. Et progressivement m’est apparue ma propre impuissance, celle d’une femme de 40 ans sans enfants qui en désire un et élève en partie ceux d’un autre, ceux d’une autre. »
Avec Les Enfants des autres, Rebecca Zlotowski a voulu se pencher sur une situation peu racontée, mais qu’elle estimait digne de l’être : celle d’une belle-mère. Ce lien qui unit une femme aux enfants d’un autre n’a pas de nom (on ne parle pas de "belle-maternité") et n’est pas représenté à l’écran. Il y a d’un côté la marâtre, héritée des contes de fées, et de l’autre la belle-mère débordée des familles recomposées des comédies romantiques. « Où était cette femme qui nouait un lien intime et précieux avec des enfants, les élevait une semaine sur deux pendant quelques années, sans en avoir elle-même, en acceptant de prendre le risque de devoir nécessairement s’effacer de l’équation une fois la relation amoureuse avec leur père finie ? » s’interroge la réalisatrice.
Avec ce film, Rebecca Zlotowski a voulu écrire le film « de ce personnage secondaire du récit » qu’est d’ordinaire la belle-mère. Il s’agissait de faire triompher « un cinéma de personnage secondaire » et mettre en valeur une autre grille d'émotions : « l’amitié entre hommes et femmes, la tendresse entre femmes, le dépit davantage que la trahison, la mélancolie des rendez-vous ratés avec l’existence, mais aussi l’excitation des rendez-vous réussis avec le désir, l’érotisme, la joie consolatrice. Les amours de transition, ceux qu’on vit entre deux grandes histoires, et que les Américains appellent les « rebonds ». La rebond girl, le rebond boy. »
La réalisatrice s'est beaucoup nourrie de films américains comme L'Usure du temps d’Alan Parker, Kramer contre Kramer, Une femme libre : « Des films définitifs sur des expériences banales, collectives. Avec une forme de générosité musicale et de simplicité classique dans la construction, une modestie dans la peinture de ces relations qui se nouent, se délitent, se brisent et luttent. »
Rebecca Zlotowski ne tarit pas d'éloges sur son actrice principale, louant « Son intelligence de jeu, sa générosité, sa dignité », la plaçant en héritière « des figures de ces études de mœurs dont l’ombre planait, tutélaire, au-dessus du film : Jill Clayburgh, Meryl Streep, Diane Keaton. » Elle ajoute : « Démarche, diction, réactions, séduction : il n’y a pas d’en-soi de la féminité chez Virginie, mais une volonté, farouche et obstinée, de l’être. De construire la personne qu’on veut être. »
Rebecca Zlotowski a découvert lors de la préparation du film qu'elle était enceinte « alors que je ne l’espérais plus ». Elle a accouché peu de temps après la fin du mixage. « J’ai eu la sensation de filmer cette lettre d’amour, de solidarité aux femmes sans enfant - des nullipares, comme disent les médecins - tout en n’appartenant déjà plus tout à fait à leur communauté, sans appartenir encore à l’autre. »
Virginie Efira souligne l'aspect discret de son personnage, « qui n’est ni une folle, ni une originale anticonformiste. » Elle a été touchée par sa capacité à rester en retrait et à ne pas vouloir à tout prix la première place, celle de la mère : « ce qui m’a émue ce sont des choses en creux, c’est ce que j’appelle le petit endroit, celui de ne pas avoir trop de problèmes à se mettre naturellement en retrait, derrière les autres, et en l’occurrence derrière quelqu’un, cet homme qu’elle aime [...] ».
Si elle s'est déjà dénudée à l'écran, dans Benedetta ou Un amour impossible, Virginie Efira joue pour la première fois une scène de nu comique dans Les Enfants des autres : « Cette scène nue n’a aucune vocation sexuelle, et du coup, c’est très divertissant à tourner, mais aussi très intimidant. J’étais nue dehors, il y a des gens qui pouvaient me voir, je ne pouvais pas par exemple me couvrir du corps de l’autre, ou de l’érotisme d’une scène comme cela m’est arrivé dans d’autres films. »
Avec Ali, Roschdy Zem a été confronté au personnage « qui m’a fait me poser le plus de questions » dans sa carrière. Il le qualifie d'homme moderne, avec une grande part de féminité. Le comédien a été séduit par la modernité du regard de Rebecca Zlotowski : « J’ai l’impression de participer à un renouveau, un changement de vision au cinéma. J’étais au service de ça. Ça m’a ravi, avec le parcours qui est le mien. Les femmes prennent la place qu’elles doivent occuper dans la société. Au cinéma, en tant que réalisatrices, elles apportent autre chose. Je suis content d’être sollicité par elles. Je suis content d’en être. Elles m’emmènent dans un ailleurs auquel je n’ai jamais été confronté auparavant ».
Le personnage du père de Virginie Efira est incarné par Michel Zlotowski, qui n'est autre que le père de la réalisatrice. Interprète et conférencier, il a été enseignant à l'Institut Français de Presse (Paris II) et l'Ecole Supérieur de Journalisme.
Le personnage du gynécologue est interprété par Frederick Wiseman, documentariste américain à qui l'on doit notamment Boxing Gym, At Berkeley ou encore City Hall.