Ce film a fait partie de la compétition à la Mostra de Venise 2023.
Le film adapte le court roman d'Henry James, La Bête dans la jungle, paru pour la première fois dans le recueil The Better Sort en 1903. Il raconte l’histoire d’un homme qui attend un événement extraordinaire qui changera toute sa vie. Il demande à une femme de l’attendre avec lui, jusqu'à une issue tragique. Ce récit a déjà été porté au cinéma par Patric Chiha, six mois avant la sortie de La Bête, avec Anaïs Demoustier et Tom Mercier.
Par rapport à la nouvelle, Bertrand Bonello a inversé les rôles et a fait du personnage féminin celui qui est dans l'attente et le pressentiment : "je voulais que La Bête soit à la fois un film sur une femme et sur l’actrice qui l’incarne." Il précise : "La Bête dans la jungle est un texte qui me bouleverse depuis longtemps. Mais je n’en ai pris que l’argument, celui de la bête cachée, de la peur d’aimer. La Bête en est une adaptation plus que libre..."
La plupart des dialogues qu’on entend dans la longue scène de bal au début viennent d'Henry James. Le film se détache ensuite de la nouvelle.
Une partie du film se déroule en 2044. Bertrand Bonello voulait faire de La Bête une "quasi-dystopie", en proposant un futur assez proche pour que le spectateur le trouve imaginable : "Le travail ou les affects... C’est un dilemme atroce, vers lequel nous nous dirigeons peut-être, dans une société de plus en plus contrôlée, et dont l’absence grandissante de rapport au secret rime avec absence de liberté, mais qui m’a permis de développer un récit et une réflexion sur une histoire des sentiments."
Le réalisateur voulait éviter de tomber dans l'ultra-technologisme, qui peut vite paraître démodé, et le post-apocalyptique, où tout est en ruines : "Il n’y a aucun futurisme extravagant. L’évolution du monde est beaucoup plus comportementale et idéologique. C’est un monde rempli d’une nouvelle sérénité, apaisante en apparence, mais terrifiante dans le fond."
Lors d'une scène, le personnage de Gabrielle participe à une sorte d’entretien d’embauche en répondant à des questions posées par une voix off. Celle-ci est la voix du réalisateur Xavier Dolan, par ailleurs co-producteur de La Bête.
Le récit se déroule à trois périodes distinctes : 1910, 2014 et 2044. 1910 est une année un peu postérieure à celle où se déroule la nouvelle. Bertrand Bonello l'a choisie à cause de la crue historique survenue à Paris cette année-là. Cette partie a été tournée en 35 mm, afin de lui donner un côté plus doux et charnel.
Quant à 2014, il fallait une période avant l'ère #MeToo, le personnage de Louis étant inspiré d’un tueur qui a réellement existé, Elliot Rodger. Enfin, pour 2044, le réalisateur explique : "Je voulais que les constats des catastrophes passées nous concernent directement. Et c’est tous les jours un plus le cas. Y compris dans notre rapport aux affects. Les affects sont de plus en plus malmenés."
Le personnage de Louis en 2014 est inspiré par Elliot Rodger, l'auteur de la tuerie d'Isla Vista. Âgé de 22 ans, cet Américain a tué le 23 mai 2014 six personnes et en a blessé quatorze avant de se suicider. Dans une vidéo publiée sur YouTube, le meurtrier annonçait vouloir prendre sa "revanche sur l'humanité", se confiant sur sa solitude et sa haine des femmes, qui n'ont eu de cesse de le rejeter.
Bertrand Bonello explique pourquoi il a choisi Léa Seydoux pour le rôle principal : "Je ne voyais pas d’autre actrice capable d’interpréter le personnage de Gabrielle sur trois époques. Léa Seydoux a un côté intemporel ET moderne. C’est rare. Sa beauté est très différente dans les trois périodes du film. Je la connais bien et depuis longtemps, mais quand la caméra la regarde, il est impossible de savoir ce qu’elle pense. Elle possède un mystère."
Il considère que La Bête est aussi bien un portrait de femme qu'un documentaire sur l'actrice.
La Bête est dédié à Gaspard Ulliel, qui devait à l'origine incarner le personnage masculin principal. Mais l'acteur est décédé en 2022, pendant la préparation du film. Bertrand Bonello a eu la conviction qu'il ne fallait pas abandonner le projet et engager un acteur anglo-saxon, afin que le remplaçant ne souffre pas de la comparaison avec Ulliel.
Dès ses essais, George MacKay a convaincu le réalisateur, qui raconte : "Je trouve cet acteur prodigieux. Il a un nombre de nuances incroyable. Ce qu’il a à faire dans le film est très difficile. Et on ne voit jamais par où ça passe. Je l’ai fait venir à Paris pour faire des essais avec Léa et j’ai su en les voyant côte à côte que je tenais le couple de La Bête." Le comédien ne parlait pas un mot de français avant le tournage : "On dit toujours que les acteurs anglais sont d’énormes travailleurs. J’en ai eu la confirmation."
La Bête se clôt par un générique consistant seulement en un QR Code que le spectateur est invité à scanner. Bertrand Bonello explique ce choix : "En général, un générique est un moment d’émotion, avec de la musique, les noms qui défilent, les spectateurs qui se lèvent les uns après les autres et s’apprêtent à retrouver la lumière du dehors. Ici nous sommes dans un monde où les affects ont été bannis, il est donc logique qu’ils le soient aussi du générique".