La Passagère est le premier long métrage de Héloïse Pelloquet après la réalisation de trois courts métrages : Comme une grande, L'âge des sirènes et Côté cœur. La cinéaste a commencé à écrire le scénario de La Passagère après son troisième court métrage, qui portait en germe des motifs qu'elle voulait creuser davantage : un couple mal assorti et la rencontre de deux milieux distincts :
"L'histoire naît toujours d’un personnage : ici une femme d’une quarantaine d’années, une travailleuse, qui va vivre une histoire d’amour adultère avec un très jeune homme. J’avais envie d’écrire le plaisir d’une femme qui ne se l’autorise pas facilement. Avec l’idée de faire de Chiara une femme moderne, dans la vie active, et non le schéma classique d’une bourgeoise désœuvrée adultère par ennui."
"Quand on s’épuise à la tâche, quelle place reste-t-il pour la jouissance ? Le simple fait de se poser la question du droit au bonheur est parfois un luxe. J’aimais que cette femme, sans qu’elle ait à le théoriser, revendique son droit au plaisir de façon naturelle et que cela ne provienne pas d’une blessure intime à panser ou d’une réflexion. C’est aussi une femme qui a le courage de déplaire", explique-t-elle.
L’idée de la différence d’âge entre Chiara et Maxence s'est imposée d’emblée : d’abord comme un obstacle supplémentaire à leur histoire, puis parce qu'elle met en valeur la sensualité et le désir de transgression propre au personnage joué par Cécile de France. Héloïse Pelloquet ajoute :
"J’aimais aussi ce que ça apportait au personnage de Maxence, cette simplicité et cette sincérité avec laquelle il tombe amoureux d’elle. Il fallait, bien sûr, qu’il n’y ait rien de malsain ou de déséquilibré. En y prenant garde, j’ai pu poser un regard bienveillant sur cette relation, et la douceur de ce regard me permet d’affirmer qu’il n’est pas question ici de morale."
La dimension érotique et sensuelle est au cœur du film. Héloïse Pelloquet voulait que ces scènes soient très réalistes, qu’elles donnent à voir le désir de communion de deux corps, avec ses ratés et ses jouissances, et ce que ça peut avoir de joyeux. Elle précise :
"Il était important que ces scènes donnent une image juste, et non fantasmée, d’une sexualité féminine. Il était aussi très important qu’elles nous parlent du plaisir féminin, à l’heure où le droit des femmes à jouir de leur corps est sans cesse violemment remis en cause."
Le personnage de Maxence est en apprentissage. Cette idée, déjà présente dans L'Age des sirènes, est importante pour Héloïse Pelloquet : "J’aime filmer les gestes du travail. Pour moi le savoirfaire a énormément de valeur, tout comme sa transmission. Maxence aspire à faire une chose concrète de ses deux mains, et Antoine est très fier de pouvoir lui transmettre son métier."
Comme il en a été de même pour les trois courts métrages mis en scène par Héloïse Pelloquet, La Passagère a été tourné dans la commune de Noirmoutier, en Vendée, qui est un territoire familier pour la réalisatrice : "Je vis désormais à Paris, mais ne me sens pas citadine et je préfère filmer des lieux avec lesquels j’ai un rapport intime. Le nom de l’île n’est jamais cité, c’est un lieu de fiction."
"Ce n’est pas Noirmoutier, c’est une île plus petite, plus isolée, à laquelle on accède par bateau alors que Noirmoutier est reliée au continent par un pont. Malgré tout, tourner à Noirmoutier, en territoire familier, me permet d’ancrer mon récit dans le réalisme, de mêler le romanesque au naturalisme. C’est la raison pour laquelle je fais aussi appel à des acteurs non professionnels, originaires du coin, pour certains rôles."
Héloïse Pelloquet explique pourquoi elle a choisi Cécile de France pour jouer Chiara : "Elle dégage cette robustesse, tout en étant très féminine. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai immédiatement pensé à elle. Elle est à la fois solide et sensuelle. Il fallait une Chiara crédible dans ce travail rude, soumis aux aléas de la météo."
"Et puis Cécile de France a une beauté très naturelle, beaucoup de vitalité. Elle a quelque chose de terrien, qui me plaît beaucoup et qui, sans doute, participe à sa popularité. Je lui ai donc écrit une lettre d’amour et elle m’a répondu tout de suite."
Héloïse Pelloquet a composé le reste de la distribution autour de Cécile de France. Félix Lefebvre est arrivé vers la fin du casting. Il a improvisé une scène et son charme a impressionné la réalisatrice, qui se rappelle : "C’est déjà un acteur très solide, avec une palette de jeu très large."
"Pour le rôle d’Antoine, interprété par Grégoire Monsaingeon, je ne voulais pas qu’on puisse soupçonner une lassitude qui aurait poussé Chiara dans les bras d’un homme plus désirable que lui."
"Ça aurait créé des raisons là où je souhaitais justement qu’il n’y en ait aucune. J’ai donc cherché quelqu’un de charmant, doux, charismatique. J’ai écrit le rôle d’Océane sur mesure pour Imane Laurence, qui est l’interprète de mes trois courts-métrages. Imane est très douée pour l’improvisation."
Les acteurs non professionnels que sont Jean-Pierre Couton, Josée Lambert (qui interprète la voisine) ou Ghislaine Girard (qui joue la femme de Tony) sont des habitants de Noirmoutier ou des environs.
Les trois acteurs principaux du film ont effectué des stages pour trouver les bons gestes : "Ils devaient s’habituer au poids des casiers, qui sont très lourds, par exemple. C’était très important pour Cécile, Félix et Grégoire, qui avaient à cœur d’être crédibles et d’être les dignes représentants de cette profession à l’écran", confie Héloïse Pelloquet.
Il y a beaucoup de décors naturels dans La Passagère dont les couleurs varient selon les saisons. Héloïse Pelloquet les souhaitait vives et voulait que la maison de Chiara et Antoine se situe dans les marais, dans un environnement sauvage avec un grand jardin. La cinéaste précise :
"Anne-Sophie Delseries, la cheffe décoratrice, a eu une riche idée : investir une maison en travaux et aménager ses murs, en apportant des touches de couleurs, de sorte qu’on sente que cet espace domestique n’est pas tout à fait achevé. Il y a quantité de détails dans cette maison qui donnent des informations sur les personnages : des posters de rock, du bric-à-brac, tout y est patiné."