Men : les secrets du tournage

La production a déniché l’immense propriété dans le Gloucestershire, dans la campagne prospère du sud-ouest de l’Angleterre. Il s'agit de la région des Cotswolds, abritant des villages médiévaux riches de maisons de pierre, des rivières au doux murmure, des routes bordées de haies et des forêts mystérieuses. Son atmosphère tout en raffinement et en discrétion en faisait le lieu idéal de répressions et d’agressions pernicieuses.

La maison était déjà destinée à la location saisonnière, mais le chef-décorateur Mark Digby et la décoratrice de plateau Michelle Day l’ont aménagée pour en faire un lieu à la fois paisible et dangereusement ouvert à tous les vents.

Pour Jessie Buckley, Men est une illustration très forte du débat actuel entre hommes et femmes. La comédienne explique : "Il s’est passé beaucoup de choses sur le plan politique et social depuis quelques années – et je trouve que Men soulève des questions de manière audacieuse plutôt qu’il ne donne de réponses". Son partenaire Rory Kinnear poursuit :

"J’ai l’impression que le film s’approprie les codes de l’horreur pour parler des rapports entre hommes et femmes, de ce dont les hommes sont capables – qu’il s’agisse de leur capacité d’action dans la société et de leurs relations aux autres."

Il s'agit du troisième long métrage d’Alex Garland après Ex Machina et Annihilation, deux films de science-fiction. Dans Men, le metteur en scène s'est attaqué au genre du folk horror comme en témoignent les éléments suivants : l’isolement, la nature, la présence d’intrus, la religion, la fécondité, le viol ou encore l’étrange.

Pour interpréter Harper, Jessie Buckley a dû se prêter à un numéro d’équilibriste intellectuel et émotionnel, mettant au point les réactions physiques et psychologiques de son personnage face aux hommes qui la harcèlent dans un contexte des plus douloureux. "Harper tente de surmonter un drame qui l’a faite souffrir, et son séjour dans cette région rurale achève de la dévaster", témoigne l’actrice.

Marqué par la thématique de l’éternel retour et de la renaissance, Men est ponctué d’images évocatrices, de manière métaphorique ou pas, de la reproduction – les tunnels, les couloirs, les graines, les fentes, les échos. Mais deux symboles plus directement concrets sont très présents : la Sheela-na-Gig, sculpture représentant une femme accroupie offrant au regard de tous sa vulve disproportionnée, et l’Homme Vert, son homologue masculin, entièrement couvert de feuilles, de vignes et de branches.

Ces deux figures totémiques sont encore entourées de mystère, bien qu’on les trouve dans des églises, des châteaux et au-dessus de portes du monde entier.

Men s’ouvre et se clôt sur deux versions du mélancolique Love Song de l’artiste anglaise Leslie Duncan. Le film débute par la version solo d’origine enregistrée en 1969 et s’achève, immédiatement après un dialogue glaçant, par la reprise acoustique d’Elton John qui chante en duo avec Leslie Duncan. Le titre est extrait de son album Tumbleweed Connection de 1971 (la chanson a été reprise par quelque 150 artistes, comme David Bowie, Barry White, Peggy Lee et Dionne Warwick).

La musique, en partie chorale, a été composée par deux autres fidèles collaborateurs d'Alex Garland : Geoff Barrow et Ben Salisbury. Le metteur en scène précise : "On a, très en amont, décidé que la partition devait s’appuyer sur des voix. Dès le départ, on a envisagé de faire appel à un contre-ténor [voix masculine dont la tessiture correspond à celle d’une mezzo-soprano] et aux effets singuliers que cette voix produit."

Le film est présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2022.