Mascarade est adapté d'un livre que Nicolas Bedos a tenté d’écrire pendant un an et qui relatait de façon très romancée une période de sa vie, vers l’âge de 23 ans, lorsqu'il se "noyait dans l’oisiveté et l'argent des autres" (d'après ses propres termes). Le metteur en scène précise :
"Disons que c’est l’histoire d’un paumé entretenu par des femmes plus âgées et qui va tomber raide dingue d’une paumée entretenue par des types plus âgés, leur aventure débouchant sur une vaste manipulation amoureuse. C’est aussi l’histoire d’une guerre sourde entre les sexes et les générations."
"Je le dis sans coquetterie : je suis un romancier raté. Parce que je me perds dans des digressions, je coince pendant des semaines sur les retouches stylistiques et je perds la trame principale. C’est Doria [Tillier], ma compagne à l’époque, qui un soir m’a dit : « arrête, fais-en un film »."
"J’ai une relative assurance dans l’écriture scénaristique. J’écris vite et je pense maîtriser plus ou moins les différentes trames narratives. Ce qui n’est plus le cas quand je m’attaque à la prose."
Après OSS 117 Alerte rouge en Afrique Noire, sorti en août 2021, Nicolas Bedos retrouve Pierre Niney, qui campait OSS 1001 aux côtés de Jean Dujardin dans ce troisième volet parodique. Le comédien se remémore :
"La première fois que j’entends parler du projet, c’est assez improbable… C’est à 3h30 du matin au fin fond du Kenya dans une réserve sauvage lors du tournage de OSS 117. J’entends des pas de danse pendant une heure dans la chambre au-dessus de la mienne."
"Je pense alors que Nicolas a organisé un petit after dans sa chambre. Je découvre le lendemain matin avec stupeur qu’il était tout seul et qu’il ne s’agissait pas d’une fête. Mais bien d’une séance d’écriture de Mascarade et plus précisément d’une des danses du personnage d’Adrien."
Mascarade est inspiré d'histoires que Nicolas Bedos a vécues, mais aussi de choses qu'il a observées ou qui lui ont été racontées. Martha, par exemple, est la combinaison de deux femmes qu'il a connues : "L’une était proche de mes parents, c’était la muse d’un grand metteur en scène dont elle a découvert l’homosexualité après 30 ans d’amour et de collaboration. Son monde s’est écroulé devant nous. L’autre est une amie dont j’ai accompagné le chemin intérieur vers la rencontre avec sa mère biologique."
Mascarade a été présenté hors compétition au Festival de Cannes 2022, où il a reçu un accueil enthousiaste avec une standing ovation de 13 minutes. Nicolas Bedos confie : "Pour être honnête, en dépit du bel accueil, je n’ai pas très bien vécu la projection cannoise car c’est la première fois que je le voyais depuis le montage et il m’a paru évident que le film nécessitait des coupes et des améliorations notables."
Pour la première fois, Nicolas Bedos n'a pas composé lui-même la musique de l'un de ses films. Il avait en effet endossé, par le passé, cette fonction par nécessité, comme il s'en rappelle : "Sur Monsieur & Madame Adelman, on manquait d’argent. Le tournage fini, il ne restait plus rien pour payer la musique."
"Du coup, j’ai décidé de la faire gratuitement. Et j’y ai pris goût. Sur La Belle époque, comme j’étais en préparation d’OSS 117, j’ai fait la moitié des morceaux et j’ai confié l’autre à la compositrice Anne-Sophie Versnaeyen. Pour Mascarade, j’avais prévu une partition au clavier, assez sobre."
"Au fur et à mesure du montage, on a senti que les séquences exigeaient des morceaux beaucoup plus ambitieux. Le temps me manquait, les compétences aussi, et j’ai jeté l’éponge. C’est Anne-Sophie, sous le regard amical de ma monteuse Anny Danché, qui signe seule ses partitions."
Nicolas Bedos a fait le choix de tourner en pellicule pour donner forme à une esthétique plus ou moins intemporelle des personnages, du genre et de la région. Le metteur en scène raconte : "Je voulais filmer une histoire d’aujourd’hui avec des outils d’autrefois."
"En dépit des progrès technologiques, la pellicule confère un aspect pictural que le numérique ne permet pas, notamment en extérieur. Ça se sent sur les peaux, le brillant des regards. La contrepartie, c’est que la mise en place est beaucoup plus laborieuse, du fait que la pellicule est moins sensible à la lumière."
C'est bien Isabelle Adjani que l'on voit dans le film qu'Adrien projette : le visage numérisé de la comédienne à 30 ans a été "collé" sur celui d’une jeune actrice.
Le personnage de Margot a été inspiré à Nicolas Bedos par une escort tchèque qui évoluait dans un grand hôtel où il était pianiste. Un soir, alors que le bar fermait et qu’elle n’avait pas trouvé de client, le futur cinéaste lui avait fait la cour :
"Elle était drôle, très brillante, on enchaînait les verres et je sentais qu’on se plaisait lorsqu’elle s’était soudain ressaisie en me disant qu’en gros, tout ça ne servait rien, l’amour ne servait à rien, il était hors de question qu’elle soit venue jusqu’à Paris pour s’amouracher d’un petit mec dans mon genre.
"Il lui restait quelques années pour épouser un riche qui lui permettrait de posséder un appartement et de faire venir sa mère de Tchécoslovaquie."
Pierre Niney a pris des cours de danse pour les besoins du film. Une activité à laquelle il s'est adonné par le passé lorsqu'il était à la Comédie-Française : "Mais cette fois, le travail était beaucoup plus poussé. J’ai beaucoup répété avec Suzanne Meyer, une chorégraphe très talentueuse qui m’a guidé et préparé pour ces scènes."
"Quand Adrien danse c’est comme un monologue. Tantôt une déclaration d’amour à la vie. Tantôt à Margot. Il devait y avoir une forme de pudeur dans ces danses mais aussi l’expression d’une exaltation retrouvée, d’un lâcher-prise", se rappelle-t-il.
Nicolas Bedos s'est référé à la citation de Somerset Maugham à propos de la Riviera : "A sunny place for shady people". Il a donc choisi d'ouvrir le film sur des plans d’un Nice très urbain, assez peu exotique et a demandé à ce que le drone utilisé survole des zones en construction :
"J’annonce par-là que le programme ne consistera pas essentiellement à exploiter l’aspect glamour de la région. Pour y avoir travaillé en tant qu’auteur associé au théâtre national de Nice, et pour y vivre désormais une grande partie de l’année, je pense pouvoir dire que je connais bien cette région."
"J’en connais l’histoire brillante, celle des artistes majeurs (Picasso, Chagall, Matisse, Nicolas de Staël), mais aussi celle de la corruption, du racisme, du repli sur soi. Aujourd’hui, une nouvelle génération s’emploie à refaire de cette région le joyau qu’elle était."
"Dans le livre, m’appuyant sur le dossier très détaillé que m’avait rédigé un ami promoteur, je racontais la lente défiguration de Cagnes-sur-Mer, un village médiéval sublime dont il reste quelques merveilles mais que le béton, tel un serpent, est venu étrangler."
"D’ailleurs, si vous regardez bien, la villa de Martha est surplombée par deux immeubles dégueulasses. Elle s’imagine vivre sur la Riviera d’Hitchcock, de Fitzgerald et de Cocteau, mais la réalité menace. Mascarade est à cette image : les personnages se racontent une vie, un amour, une histoire."