Luzzu : les secrets du tournage

Le luzzu est un bateau de pêche en bois traditionnel de Malte.

Alex Camilleri est un cinéaste originaire de Malte et basé aux États-Unis. Il connaissait peu le domaine de la pêche à Malte avant de tourner Luzzu, qui est son premier long-métrage : « Pourtant, la beauté de ce monde traditionnel m’inspirait. Lorsque j’ai commencé mes recherches, j’ai compris que les histoires de famille, de destin et de sacrifice étaient très présentes dans la vie des pêcheurs. » Il a commencé à suivre Jesmark et David Scicluna durant leur travail pour connaître leur quotidien, leurs méthodes de pêche et leur matériel. Ces expéditions ont nourri l’écriture du scénario.

Dès le départ, le réalisateur voulait confier les rôles principaux à des amateurs afin de rendre son récit plus authentique. Avec le directeur de casting Edward Said, il a arpenté pendant des mois différentes communautés de pêcheurs, en vain. Finalement, alors qu’Alex Camilleri était sur le point de rentrer à New York, il a rencontré à Għar Lapsi, un petit hameau de pêcheurs dans le sud de l’île, Jesmark et David Scicluna - cousins et partenaires de pêche dans la vraie vie : « J'ai demandé si nous pouvions faire une virée sur le bateau de David. En mer, j'ai sorti mon petit caméscope et j'ai demandé aux pêcheurs d’improviser une courte scène : dès qu'ils ont commencé à se donner la réplique, le film s’est mis en place ! » Il les a ensuite fait répéter pendant des mois, en leur décrivant une scène puis en leur demandant de l’improviser. Il les enregistrait puis réécrivait les scènes en fonction de ces improvisations.

Il était très important pour le réalisateur de montrer quelque chose d'à la fois réel et inattendu : « Dans Luzzu, je me suis efforcé d’emmener le public dans des univers qu’il n’avait jamais rencontrés auparavant. Des années de recherche ont été nécessaires ; j'ai appris à connaître non seulement la pêche traditionnelle à Malte, mais aussi le fonctionnement de l'industrie des produits de la mer au sens large, y compris les économies parallèles de la contrebande, du sabotage et même de la "fraude au poisson", comme le montre le film. » Il tenait aussi à s’éloigner de l’image de carte postale qu’on peut attendre de Malte, en peignant notamment la réalité des travailleurs en provenance d'Asie du Sud et du Sud-Est.

Le réalisateur revendique l’influence des œuvres de Vittorio De Sica, Luchino Visconti et Roberto Rossellini : « Je suis particulièrement ému par ces films, qui offrent non seulement une expression artistique mais une démarche éthique. En témoignant de la vie de personnes ordinaires, l’utilisation de non-acteurs et le tournage dans des lieux réels, ces films étaient opportuns, vitaux et pouvaient offrir à la fois une réflexion personnelle et participer à une sorte de prise de conscience nationale. Ils atteignent des émotions fortes, mais en nous épargnant les jugements moraux. »