Municipale : les secrets du tournage

Le film a été présenté à l'ACID au Festival de Cannes 2021.

Thomas Paulot, Ferdinand Flame et Milan Alfonsi se connaissent depuis le lycée. Ils ont depuis travaillé sur des films ou au théâtre. L’idée de Municipale leur est venue lors des élections présidentielles de 2017, avec l’envie de projeter un comédien dans une élection réelle. « Le début de l’écriture correspond aussi au moment où l’on rencontre toute une littérature liée au municipalisme libertaire, à l’autogestion et à la crise du système représentatif », raconte Flame.

Les auteurs souhaitaient s’éloigner du documentaire classique et expérimenter dans le cadre d’une élection. Ils se sont nourris des thèses de David Van Reybrouck, dont son essai Contre les élections, et de celles de Murray Bookchin. Milan Alfonsi développe : « Un autre texte important pour nous, c’était TAZ (« Zone autonome Temporaire ») de l’activiste américain Hakim Bey. Il y développe un concept qui circulait beaucoup dans les milieux militants des années 90, et qui disait en substance : il n’y a plus de révolution globale possible, mais des petites zones fragmentaires dans lesquelles on pourrait suspendre l’État et ses prérogatives durant un temps donné, et ce serait la seule manière de s’opposer au mode d’organisation du pouvoir de la fin du 20ème siècle ».

Municipale se déroule à Revin, commune française située dans le département des Ardennes, en région Grand Est. À l’écriture, les auteurs se sont inspirés du village du grand-père de Thomas Paulot dans les Ardennes mais cherchaient une ville à une échelle supérieure. Ils ont passé en revue plusieurs villes, avant de s’arrêter à Revin. Ferdinand Flame explique : « La ville avait déjà une histoire politique riche, c’était l’emblème des délocalisations industrielles ; mais elle offrait aussi un cadre idéal pour notre expérience : elle avait ses quartiers bien dessinés, ses points de centralités, ses lieux de rencontres, tout ce qui permet et organise la vie en communauté. » Leur rencontre avec Karim, l’un des personnages les plus importants du film et membre de la bande du Terminus, qui s’était lui-même présenté aux élections municipales de 2014, a été décisive. Il les a aidés en les introduisant notamment auprès des centres sociaux.

Municipale fait le pari de rendre la frontière entre fiction et réalité la plus poreuse possible, voire de la rendre invisible. Le scénario tel qu’il a été écrit est très éloigné du résultat final. « C’était un scénario documentaire-type, avec des scènes beaucoup plus écrites, et des vrais enjeux de fiction impliquant des Revinois. Toutes nos velléités de fiction ont été contrariées à l’approche du tournage : là on s’est dit qu’on préférait être dans le direct de la campagne, sans s’encombrer du plan de travail et du texte », explique le réalisateur. Milan Alfonsi précise : « Mais on n’a jamais totalement abandonné le texte : on le gardait comme trame générale, on y revenait certains soirs après le tournage, en le réécrivant, dans un processus très évolutif et parfois harassant. » Le scénario a surtout été un document important pour le comédien Laurent Papot, qui s’en servait de note d’intention de jeu pendant le tournage.

Pater d’Alain Cavalier, pour sa manière de questionner la figure de l’acteur, et Route One USA de Robert Kramer ont été des références pour les auteurs. Au sujet de ce dernier, Thomas Paulot précise : « Il nous a inspirés à la fois dans le dispositif - mettre ce personnage fictif du Docteur dans un contexte documentaire - ainsi que sur sa volonté d’interroger un territoire. Cependant, les deux films sont diamétralement opposés : Kramer trace une ligne droite dans les États-Unis, alors que nous avons zigzagué et tourné en rond dans un tout petit territoire. »