Les scénaristes Guy Laurent et Isabelle Lazard ont eu l’idée d’écrire ce film après avoir été inspirés par le parcours d’une personne de leur entourage, qui a fait sa transition de genre à cinquante ans passés et qui a tout fait pour préserver son couple. Tristan Séguéla explique :
"La comédie reste encore un moyen merveilleux de traiter d’un sujet brûlant. Enfin brûlant... J’espère que le film prouvera que ça ne l’est pas forcément. Mais ce qui m’a emballé dans le scénario, c’est que cette histoire fait la part belle au mari, un maire conservateur et arc-bouté sur ses valeurs."
"Dès le tout début du film, Jean reçoit cette nouvelle hallucinante, désarçonnante, effarante que lui annonce sa femme. Comment va-t-il réagir ? C’est la question que pose sans cesse le film. Et, contrairement aux apparences, c’est Jean qui va devoir se remettre en question."
Catherine Frot et Fabrice Luchini se sont imposés à Tristan Séguéla comme une évidence, d’autant plus qu'Un homme heureux a permis au metteur en scène de les réunir tous les deux à l'écran, ce qui n'était jamais arrivé. Ce dernier confie : "J’ai toujours été fan de Catherine."
"Sa sensibilité, sa profondeur, sa manière unique de rendre chacun de ses rôles uniques font d’elle une très grande artiste. Je savais aussi qu’elle allait apporter une forme de douceur et de féminité à ce rôle qui n’en appelait pas forcément."
"Quant à Fabrice, que dire si ce n’est que c’est un monument de finesse, d’intelligence, de folie douce et de drôlerie. Une drôlerie, qui ne connaît pas la vulgarité. Qui mieux que lui pouvait rendre si irrésistible un personnage a priori aussi engoncé dans ses vieilles lunes ?"
Depuis ses débuts, Tristan Séguéla est attiré par le thème de la différence : la différence générationnelle dans Seize ans ou presque, sociale dans Docteur ?, etc. "C’est un grand vecteur de la comédie humaine. La différence provoque toujours des étincelles, des frottements. J’aimerais que chaque spectateur se mette à la place de ce couple", précise le cinéaste.
La première question que Tristan Séguéla s'est posée, en ce qui concerne le personnage de Catherine Frot, était de savoir qui est cette personne qui passe pour être la femme du maire et qui révèle soudain être un homme. Le réalisateur explique : "Comment s’habille-t-elle ? Comment se coiffe-t-elle ? Edith Leroy est une jolie femme, une bonne épouse, une mère dévouée, une joueuse de golf élégante."
"Et Eddy Leroy est un homme, ou en tous cas pense l’être et veut l’être. J’ai ainsi imaginé pour Catherine une silhouette un peu trouble, en trench, jeans, chemisiers et chaussures sans talons, les cheveux à peine travaillés, courts mais pas trop, le visage à peine fardé. Une silhouette qui, du point de vue de son personnage, n’attire pas les regards et qui lui permet de composer avec son entourage."
À tour de rôle, Edith/Eddy puis Jean participent à un groupe de parole en compagnie de personnes transgenres. Tristan Séguéla se remémore : "Ces groupes existent comme il en existe pour à peu près tout aujourd’hui."
"J’ai tenu à ce que l’ensemble des comédiennes et des comédiens de ces scènes soient des personnes transgenres ou non binaires. Ce sont des moments que j’affectionne, quand la fiction se confond avec le documentaire."
Si, depuis quelques années, Fabrice Luchini n'était pas très présent au cinéma, le célèbre acteur a retrouvé le chemin des plateaux avec pas moins de quatre films à l’affiche en 2023 : Un homme heureux, Mon crime, L’Empire et La Petite. Il confie :
"J’étais bienheureusement pris par ma petite entreprise artisanale du théâtre. Agencer des textes, construire des spectacles prend du temps. Puis il y a eu ces deux années de confinement dont j’ai tiré un spectacle, La Fontaine et le Confinement."
"Des propositions sont arrivées. Elles étaient variées. C’est un grand privilège de marcher sur deux jambes : cinéma, théâtre... Et je mesure l’aspect miraculeux de tout ça."
A noter la présence du jeune et célèbre humoriste Paul Mirabel. Un homme heureux ne constitue pas sa première expérience dans un long métrage, pusiqu'il a récemment joué dans Classico de Nathanaël Guedj et Adrien Piquet-Gauthier.
Avant d'accepter le rôle, Catherine Frot avait besoin de savoir si elle arriverait à rendre la transformation d’Edith/Eddy crédible : plusieurs mois avant la préparation du film, elle a ainsi demandé à Tristan Séguéla de faire une journée d’essais. La comédienne se rappelle :
"Plus tard, il a évidemment fallu rentrer dans les détails, chercher les subtilités pour rendre la transformation physique d’Edith plausible : costumes, maquillage, perruque... Ma maquilleuse, Chantal Léautier, qui a suivi certaines de mes transformations, a fait un très beau travail..."
"Tout comme Myriam Roger, la coiffeuse, qui a élaboré la coiffure. Eddy a-t-il mis du temps à apparaître ? Non, même si, après, il a, bien sûr, fallu réfléchir à l’évolution d’Edith vers Eddy, travailler sur le corps, les poses, le maintien, l’idée étant d’éviter la caricature en restant nuancé."
"Nous avons effectué à cet effet, des essais filmés de silhouettes, de visages et de postures ; un exercice un peu similaire à celui des répétitions au théâtre. Ce sont les moments que je préfère."