Claire Simon est une réalisatrice qui aime passer du documentaire à la fiction et vice-versa. Bien évidemment, il lui arrive de ne pas vraiment choisir et de réaliser des films qui, selon la façon dont on les regarde, peuvent être perçus comme étant des fictions ou comme étant des documentaires. Dans "Vous ne désirez que moi" elle a choisi de porter à l’écran l’entretien que Yann Andréa, compagnon de Marguerite Duras, a eu sur 2 jours, en octobre 1982, à sa demande, avec la journaliste et femme de lettres Michèle Manceaux. Cet entretien que Michèle Manceaux a enregistré sur K7 aurait pu rester dans les oubliettes de l’histoire si Pascale Lemée, la sœur de Yann Lemée, rebaptisé Yann Andréa par Marguerite Duras, n’avait pas retrouvé ces K7 après la mort de Duras et d’Andréa. Au moment de cet entretien, Marguerite Duras a 68 ans, Yann 38 de moins, ils ont fait connaissance 7 ans auparavant et Yann est le compagnon de Marguerite depuis 2 ans. A l’époque de l’entretien, Yann Andréa n’a encore rien écrit mais, l’année précédente, il a joué dans 2 films de Duras, le moyen métrage L’homme Atlantique et le long métrage "Agatha et les lectures illimitées". Cet entretien, Yann Andréa l’a demandé à Michèle Manceaux, une amie et voisine du couple, parce que sa passion pour Duras le mine tout en le comblant, parce qu’il sait qu’il souffre d’une tendance suicidaire et parce qu’il espère que cet entretien pourra l’aider à réaliser un objectif : arriver à écrire.Ce que raconte Yann est très intime, allant jusqu’à évoquer la part sexuelle de sa relation avec Duras. Il faut savoir que Yann est devenu fan de Duras alors qu’il était homosexuel, un état que Duras ne supportait pas et qu’elle a choisi de déconstruire. « Je veux vous décréer pour vous créer », lui a-t-elle dit. De fait, un des intérêts majeurs du film est de nous montrer un homme dans une situation qui a été celle de nombreuses femmes depuis la nuit des temps : un homme dominé et rabaissé par une femme et qui l’admet, un homme en état de soumission et qui l’admet, un homme dirigé par une femme, dans les 2 films qu’il a tournés avec elle, bien sûr, mais surtout dans la vie de tous les jours. Si l’entretien représente le cœur du film, Claire Simon a su l’enrichir avec un certain nombre d’images d’archive et un certain nombre d’aquarelles érotiques dessinées par Judith Fraggy, permettant d’évoquer la vie sexuelle des deux amants sans avoir recours à de la pornographie cinématographique.