Jean-Charles Paugam souhaitait depuis longtemps faire un film sur un dealer de cocaïne, en s'éloignant le plus possible de la référence en la matière, Scarface. Le réalisateur a ainsi choisi de montrer la réalité d’un "boulot" qui s’est à la fois normalisé et uberisé. Il explique :
"Quiconque vit à Paris a forcément vu au moins une fois débarquer en soirée un livreur de coke. Ces livreurs sont des personnages passionnants qui naviguent chaque nuit dans des univers radicalement différents. Après le tournage de Nuit debout, le court métrage dans lequel Pierre Lottin et moi-même avons créé le personnage de Franck, je me suis dit que ça serait vraiment marrant si ce squatteur invétéré était forcé de remplacer un de ces dealers."
"Franck, c’est « L’idiot » de Dostoïevski : à première vue, il n’a pas l’air très malin, mais au final, c’est peut-être lui qui a tout compris à la vie ! Sans le vouloir, il ouvre les yeux à chaque client qu’il rencontre, parce qu’il les voit tels qu’ils sont, sans préjugé. Sa grande force, c’est qu’il s’en fout de tout, et du coup, il a un regard très objectif sur le monde."
Pierre Lottin est l'acteur fétiche de Jean-Charles Paugam. Le metteur en scène l'a fait tourner dans ses courts métrages Cadence (2015) et Nuit debout (2018).
Pour la première soirée, Jean-Charles Paugam et son équipe ont profité d’un anniversaire dans un studio photo pour filmer. Pour les séquences de club, ils ont organisé une vraie soirée, engagé un DJ et demandé aux gens de vivre leur vie. Le cinéaste se rappelle :
"Entre chaque prise, je donnais leurs instructions aux acteurs à l’extérieur du club, mais de toute façon, je n’avais pas grand chose à dire, vu qu’avec les basses à toute blinde, je n’entendais quasiment rien de ce qu’ils disaient ! C’était assez ouf, mon chef op était comme une pile électrique, on n’arrêtait pas de faire des allers-retours, on avait vraiment l’impression à chaque fois d’aller au charbon, comme les mineurs d’antan."
After Hours est bien évidemment LA référence pour ce qui est du concept de La Bataille du rail. Jean-Charles Paugam : "Dans les deux cas, c’est l’histoire d’un pauvre type qui vit une nuit de merde, erre dans une ville labyrinthique et rencontre des personnages plus barrés les uns que les autres. Esthétiquement, on a aussi beaucoup parlé de Good Time des frères Safdie (2017) avec mon chef op, on voulait avoir une image aussi colorée, saturée, « hallucinée », et on a complètement copié les vêtements de Pattinson pour le costume de Pierre", confie Jean-Charles Paugam.
La Bataille du rail a été totalement auto-produit. Jean-Charles Paugam explique : "Je tiens à préciser une chose : on n’a pas auto-produit « La Bataille du rail » parce qu’on ne trouvait pas de thune mais parce qu’on n’en voulait surtout pas ! J’adore tourner à l’arrache, on n’est jamais sûr de rien, il faut tout le temps être sur la brèche pour ne pas foirer le film. Toute cette improvisation permet d’injecter un maximum de spontanéité dans le tournage, et je crois qu’on ressent très bien cette énergie dans le film."
L’écrivain Johann Zarca, prix de Flore 2018 pour son roman "Paname underground", fait une apparition dans La Bataille du rail dans la peau d'un client très particulier. Jean-Charles Paugam explique pourquoi il l'a sollicité : "Parce que Johann a une super gueule ! Il dégage un truc très animal, un peu « border », presque dangereux, et en même temps, il y a chez lui quelque chose de doux, gentil, un peu nounours. Et puis le clin d’oeil me faisait marrer : je me sens assez proche de son univers même si je suis plus soft que ses bouquins."
La Bataille du rail porte le même titre qu'un célèbre film de René Clément sorti en 1946. "Ça me faisait marrer de détourner le titre d’un des monuments du cinéma français, alors que nous, on a fait notre film sans aucune aide, à commencer celle du CNC. Et puis, si on réfléchit bien, dans le film de René Clément, on voit des cheminots qui luttent pour leur liberté en faisant des actions commando. Or, c’est exactement ce qu’on a fait avec « La Bataille du rail » : on a tourné un film en mode commando sans l’aide de personne pour garder une liberté totale", raconte Jean-Charles Paugam.