Depuis le tournage des Invisibles (2019), sa précédente comédie sociale, Louis-Julien Petit s'intéresse beaucoup à la question de l’intégration sous toutes ses formes en France. Parallèlement, sa productrice Liza Benguigui lui a présenté Sophie Bensadoun, scénariste et documentariste, qui a eu cette idée d’écrire une fiction ayant pour thème l’intégration de mineurs non accompagnés étrangers par la cuisine. Le metteur en scène se rappelle :
"Je décide de partir en investigation. Grâce à Sophie, j’ai eu la chance de rencontrer Catherine Grosjean, professeure de cuisine dans une classe de CAP accueillant des mineurs migrants. Lorsque j’ai découvert son caractère bien trempé et sa pédagogie, tout s’est éclairci pour moi quant à la tournure que devait prendre le film : pour arriver à en faire une histoire lumineuse, il fallait confronter ces jeunes aux parcours difficiles, à un personnage haut en couleurs..."
Avec La Brigade, Louis-Julien Petit a voulu faire une comédie sociale, avec pour enjeu de traiter de manière réaliste la problématique des mineurs migrants sans éluder l’épée de Damoclès qu’ils ont au-dessus de la tête (celle d’une expulsion s’ils n’ont pas intégré une formation avant leurs 18 ans). Il précise :
"En cela, le personnage de Cathy Marie était pour moi le vecteur idéal : égocentrique et sûre d’elle, sa plongée forcée dans ce foyer, à des années lumières de ses préoccupations, provoque dès le début du film des comiques de situation."
"Puis, comme le spectateur, Cathy va découvrir la réalité du parcours de ces jeunes, de leur arrivée en France jusqu’à leurs efforts pour s’y intégrer, en passant par la menace de l’expulsion. Au fur et à mesure de son avancée dans l’histoire, la comédie laissera place à l’émotion, lorsque Cathy comprendra vraiment l’histoire de chacun des membres de sa brigade."
"Enfin, j’ai souhaité que le dernier tiers du film soit un véritable exutoire comique pour le spectateur, une plongée dans le monde moderne et si particulier de la téléréalité. Un univers sans pitié que Cathy exècre, mais qui se révèlera, pour elle, le seul moyen de mettre sa brigade en lumière."
La Brigade a été tourné à la côte d’Opale début 2021, où un froid polaire, une tempête et des inondations ont cassé du matériel caméra... Puis, le variant anglais du covid-19 est venu s’inviter sur le plateau, en contaminant plusieurs membres de l’équipe. Louis-Julien Petit se souvient :
"Malgré tout cela, rien n’a arrêté le film. L’équipe a donné énormément, et pas une seconde le tournage n’a été interrompu. Je pense réellement qu’un film est plus fort que tout, dès qu’il est lancé, il continue sa course et c’est à nous, techniciens, de nous adapter pour suivre son rythme."
Avec La Brigade, Louis-Julien Petit retrouve Audrey Lamy qui jouait l'une des quatre héroïnes des Invisibles. C'est même pour l'actrice que le cinéaste a écrit le scénario de son cinquième long métrage. Il explique : "L’enjeu était fort pour nous deux : en effet, il fallait que le spectateur accepte le côté grande gueule du personnage sans qu’elle soit trop énervante ou agaçante, qu’il arrive à avoir de l’empathie pour cette femme à la croisée des chemins. Je me suis reposé sur les failles de Cathy Marie pour petit à petit l’adoucir, ralentir son rythme en creusant son rapport humain, son rapport à l’autre."
Lors de la scène du match de foot au foyer, tournée en premier, François Cluzet s'est fait une rupture totale du talon d’Achille, ce qui a entraîné une opération puis le port d’un plâtre pendant deux mois... Louis-Julien Petit raconte :
"Il s’est donc fait opérer, nous avons modifié le plan de travail, et il a repris le tournage avec des béquilles quelques jours seulement après être sorti de l’hôpital. François a redoublé d’efforts et s’est plongé encore plus sur son personnage : il a oublié son corps, s’est concentré sur l’émotion et sur ses partenaires."
"Le lendemain, Audrey glisse dans l’arrière-cuisine. Bilan : une phlébite. Le quatrième jour : une carte-mémoire a été effacée par erreur et nous a obligé à retourner entièrement une scène. Nous avons dû rappeler une trentaine de figurants du jour au lendemain, et comme ils n’étaient pas tous disponibles, nous avons dû prendre des doublures…"
En amont du tournage, Audrey Lamy a passé plusieurs mois dans les cuisines de deux grands restaurants (l'Apicius et le Divellec) pour se former auprès des chefs Mathieu Pacaud et Christophe Villermet. "Au bout de quelques semaines, je ne la reconnaissais plus tellement elle s’était fondue dans les brigades professionnelles", se rappelle Louis-Julien Petit.
Le casting des jeunes s’est déroulé de juillet à octobre 2020 dans diverses associations d’accueil parisiennes. Les deux directrices de casting, Raphaëlle Beck et Charlotte Pouch, ont filmé plus de 300 postulants. Louis-Julien Petit a alors regardé l’intégralité de ces interviews, soit 300 heures de vidéos où chacun racontait son parcours. Le cinéaste explique :
"J’étais en quête de personnalités dont l’énergie nourrirait le film. Après une première sélection, j’ai voulu en rencontrer 150. Puis, nous avons organisé des ateliers de théâtre au cours desquels nous avons répété une scène : celle du test de l’échalote. A partir de là, je voyais comment ils étaient, comment ils réagissaient… Puis j’ai annoncé à une quarantaine de jeunes qu’ils étaient retenus."
"Nous avons proposé à ceux qui avaient participé au casting, sans avoir été pris pour la brigade principale, de faire de la figuration s’ils le souhaitaient. Je ne leur ai pas donné le scénario, juste raconté dans les grandes lignes l’histoire. Je souhaitais conserver leur sincérité et leur découverte pas à pas du personnage de Cathy Marie."
"La richesse du film vient aussi de l’amour qu’Audrey a pu leur donner. Comme ils ne connaissaient pas le texte, je devais m’appuyer sur Audrey qui connaissait la structure des scènes et de la narration. Nous avons tourné le film dans la continuité du scénario afin de faire évoluer leurs personnages au fur et à mesure de leur avancée dans l’histoire."