La Vraie famille est le second long métrage de Fabien Gorgeart après Diane a les épaules (2017). Cette histoire prend sa source dans l'enfance du réalisateur. Lorsqu'il était petit, sa famille a accueilli un enfant qui est resté chez eux de dix-huit mois à six ans, comme dans le film. Il explique :
"Dans mes courts-métrages, j’explorais la question du lien. Puis, quand je me suis attelé à mon premier long, Diane a les épauves, il m’est apparu que je pouvais faire un pas de côté : j’y racontais l’histoire d’une femme qui porte un enfant pour d’autres et qui va devoir s’en séparer."
"Pour Diane, le contrat est tacite : porter cet enfant est une mission ; elle décide qu’il ne sera pas le sien. Dans La Vraie famille, accueillir et élever ce petit garçon est un travail, mais Anna le considère comme son fils. Ces deux films fonctionnent donc en miroir, tels deux doubles inversés."
"Ma mère, elle, n’avait peut-être pas mesuré l’implication émotionnelle de cette fonction particulière. Le seul conseil qu’elle a reçu des assistantes familiales était : « Aimez cet enfant, mais ne l’aimez pas trop ». Le fait est que cette expérience nous a tous beaucoup marqués dans la famille."
Au début du film, Fabien Gorgeart a instauré un petit suspense concernant Simon, que l'on pourrait penser malade. Ce n’est qu’à la douzième minute que l'on comprend qu’il est placé : "Cette incertitude est pensée pour placer le spectateur in medias res dans cette famille qu’il ne connaît pas. Comme dans la vie, vous rencontrez des gens sans posséder toutes les clés. Je voulais qu’on rentre dans cette cellule familiale et qu’on en comprenne la structure pas à pas. Cette photo de famille se précise petit à petit. D’une manière générale, je voulais qu’on comprenne que Simon y tient une place à part."
Fabien Gorgeart a conçu deux temps distincts. Dans le premier, la caméra est très mobile puis se pose dès lors que la tension dramatique s’accentue et fait sortir des moments de vie. Il précise : "Quand Simon commence à passer ses week-ends chez son père, je voulais qu’on sente la vie se réorganiser sans lui. On revoit la maison vivre, mais autrement. En faisant durer les plans et en les chorégraphiant, avec mon chef-opérateur Julien Hirsch, nous cherchions à donner plus de place au présent."
"Puis, quand la tension entre Anna et Eddy, le père de Simon, prend le dessus, que la part romanesque de l’histoire se dessine de plus en plus, nous nous racontions que nous passions à la partie « thriller » du film. Dès lors, la mise en scène évolue et adhère davantage au point de vue d’Anna, qui regarde la situation avec des œillères. La tension monte jusqu’au déchirement de la séparation, et la mise en scène là se resserre, est plus découpée et utilise de fait une autre grammaire cinématographique."
Fabien Gorgeart avait écrit Diane a les épaules pour tous les comédiens qui y jouent. Avec La Vraie famille, le cinéaste a voulu faire le contraire. Il a travaillé avec les directrices de casting Christel Baras et Marine Albert qui lui ont permis de rencontrer les acteurs :
"Mélanie a une grande technique tout en sachant rester très naturelle, ce qui correspondait bien à ce film, où la facture sophistiquée devait aussi s’accorder à quelque chose de plus évident."
"Lyes Salem, j’ai eu un coup de foudre pour lui. Son personnage était moins construit que celui de Mélanie et j’ai eu envie de l’étoffer après nos échanges."
"Rencontrer Félix Moati m’a donné envie de le filmer. Je savais qu’il pouvait apporter un capital sympathie nécessaire, qui permettait qu’on ne rejette pas le personnage d’Eddy. Et Félix a été super avec les enfants sur le plateau", se souvient le metteur en scène.
Film d'ouverture du Festival de Sarlat et présenté en compétition à Angoulême, La Vraie famille s'est vu remettre le Valois du jury et Mélanie Thierry, celui du Valois de l'actrice. A Valenciennes, le film est reparti avec trois prix : Prix du jury, Prix du public et Prix des étudiants. La Vraie famille a par ailleurs été présenté en décembre au Festival des Arcs.
Les enfants du film ont été trouvés grâce à un casting sauvage. Fabien Gorgeart se rappelle au sujet de Gabriel : "Le petit Gabriel avait une écoute et un regard incroyables, ce qui était indispensable pour jouer Simon, qui est un enfant qui passe son temps à observer les adultes décider de son sort. Gabriel a été très consciencieux et soucieux de bien faire. Au fur et à mesure du tournage, il a été endurant et de plus en plus précis. Nous l’avons vu devenir comédien pendant le tournage. Les comédiens l’ont aidé à être juste. Mélanie devait pousser son jeu pour l’aider à trouver la bonne intensité. C’était un exercice très difficile pour elle, qui devait, ensuite, quand la caméra était sur elle, retrouver la juste tonalité."
La scène du cauchemar a été le moment le plus émouvant du tournage pour Fabien Gorgeart et la scène la plus longue écrite pour Gabriel Pavie. Le réalisateur se remémore : "Heureusement, nous étions dans le dernier tiers du tournage. Au début, Gabriel récitait son texte. Puis, je lui ai proposé d’improviser des récits de cauchemars sur la base de quelques éléments et chaque prise qui a suivi était époustouflante : Gabriel a inventé des cauchemars, Mélanie le regardait avec intensité, et j’ai été saisi par l’émotion."
Avec La Vraie famille, Fabien Gorgeart utilise pour la première fois une musique originale, et il s'agit du premier long-métrage sur lequel travaille Gabriel des Forêts (il avait collaboré avec le cinéaste sur le court-métrage Un homme à la mer). Il confie :
"Je connaissais son talent et son rapport à la musique classique. Nous voulions tendre vers un style proche de Ravel ou Debussy. Je voulais que la musique apporte une ampleur romanesque aux séquences quotidiennes. Nous avons ainsi trouvé le thème d’Anna et Simon, autour duquel nous avons construit des variations. Dans la séquence à la neige, la musique s’approche plus de la symphonie, car à ce moment, ce qu’on voit est presque plus grand que la vie. Gabriel a su apporter à la fois de la douceur et de l’ampleur au film par sa partition."