Si le facétieux "Troll Hunter" de 2010 avait dû connaitre une suite, celle-ci aurait probablement emprunté la même voie que ce "Troll" de 2022, en confrontant ces créatures ancestrales à la civilisation humaine de façon plus directe et surtout à une échelle d'une toute autre ampleur. Seulement, là où le film d'André Øvredal avait forgé sa propre (et géniale) identité à travers son format de found footage, son ton unique ou encore la parfaite utilisation du folklore nordique dans son contexte (un troll des montagnes y faisait d'ailleurs une apparition), celui de Roar Uthaug choisit de se fondre dans le moule bien plus conventionnel du film catastrophe/blockbuster américain à la Roland Emmerich, tout droit sorti du formol des années 90 avec la horde de clichés qui lui sont inhérents...
Dans le fond, avec son troll géant lâché en pleine Norvège moderne et devenu de fait l'équivalent de n'importe quel kaïju détruisant tout sur son passage, l'approche n'est pas la plus saugrenue qu'il soit. La première partie de "Troll" réveille même une certaine fibre nostalgique par les références incontournables de ce type de divertissement qu'elle convoque ("Jurassic Park", "Godzilla" de 1998, etc) pour mettre en scène le réveil de son "monstre", dont la présence à l'écran reste encore discrète afin de privilégier l'incontournable constitution du groupe d'humains amené à lui barrer la route. Et, comme ensuite le film s'est visiblement donné les moyens d'être à la hauteur de ses ambitions en termes de SFX, on pourrait se laisser volontiers prendre au jeu de sa dimension spectaculaire certes anachronique mais qui a peut-être le potentiel de donner un mélange somme toute intéressant avec les spécificités de son cadre et de sa mythologie nordiques.
On déchante hélas très vite quand, bien loin de transcender les conventions datées de ces blockubsters par ses éléments les plus singuliers, "Troll" s'enfonce au contraire dans leur plus complet décalque, jusqu'à la redite la plus éhontée sous couvert d'hommages à tout un pan de ce cinéma. C'est alors toute la vacuité de "Tomb Raider", le précédent long-métrage de Roar Uthaug, qui nous revient en mémoire et que l'on ressent à nouveau ici, face un film qui se contente de dupliquer les formules les plus éprouvées -ainsi que les pires travers- d'un genre sans parvenir à en retrouver l'âme. Dès lors, il devient clair que "Troll" n'aura plus grande surprise à offrir pendant le reste de sa durée, les quelques rebondissements propres à sa créature seront utilisés bien trop timidement pour faire une quelconque différence au profit d'un affrontement malheureusement très ordinaire entre des silhouettes de personnages et un géant aux émotions bien plus grandes que les leurs (peut-être le point le plus réussi), le tout accompagné de messages rudimentaires sur l'écologie et l'essor toujours plus destructeur des humains.
En tant que divertissement voulant à tout prix égaler la concurrence américaine d'une autre époque, "Troll" réussit quelque part à accomplir sa mission en nous rappelant que les meilleurs jours de ce cinéma sont définitivement derrière lui, usé par la répétition lassante de ses stéréotypes les plus éculés et qui l'ont aujourd'hui mis en sommeil... tel un vieux troll qu'il ne valait peut-être mieux pas réveiller pour si peu.