Le personnage principal, Leo Castaneda, est un miroir de la propre situation qu'a connue Giordano Gederlini : "Il est en exil, ce que j’ai vécu avec mes parents. Leo Castaneda est sûrement lié à la figure de mon père qui a été abimé par le coup d’état au Chili puis a reconstruit sa vie en Europe."
"Dans un film noir, il faut des personnages très incarnés. Ici, ils sont aussi assez silencieux. Un acteur charismatique ne suffit pas, il faut qu’il porte une histoire, quelque chose à raconter. J’ai beaucoup échangé avec Antonio de la Torre et Marine Vacth sur qu’est-ce qui habite leurs personnages ?"
"Le polar est plus intéressant quand les personnages ne sont pas seulement des stéréotypes de flics et de gangsters. J’ai essayé de faire en sorte qu’ils ne soient pas réduits à une fonction mais qu’ils aient quelque chose à défendre", précise le metteur en scène.
Pour Giordano Gederlini, Bruxelles est une ville à la fois très cinématographique et anglo-saxonne, avec des immeubles en briques, des quartiers abandonnés, d’autres refaits, de nombreux chantiers partout, etc. Le cinéaste note : "Ça donne une esthétique urbaine très particulière qui fait aussi penser à Berlin, avec ses friches industrielles et ses no man’s land. C’est une ville très graphique."
"Je voulais une image très travaillée qui rappelle tout le temps qu’on est au cinéma, dans un genre qui est le polar. On a choisi des focales vintages qui marquent la lumière : cela signifie que le film est vu à travers une caméra, pas par l’œil humain."
Giordano Gederlini a participé à l'écriture du scénario du film choc sur la banlieue Les Misérables de Ladj Ly.
Giordano Gederlini a inséré, dans Entre la vie et la mort, des clins d’œil au cinéma décomplexé des années 1980. Il explique : "Avec Christophe Nuyens, le chef opérateur, on a fait un long travail de découpage en essayant de ne pas être paresseux. La scène de la grenade qui explose, je l’avais écrite comme ça, c’est- à-dire que je savais dès l’écriture comment je voulais la réaliser. J’ai eu aussi la chance qu’il ait beaucoup plu, ce qui servait l’esthétique de film noir que je visais."
Giordano Gederlini a rencontré Antonio de la Torre du côté de San Sebastian. Mais proposer à cet acteur un énième rôle dans un polar paraissait trop évident. Le metteur en scène se rappelle : "On a beaucoup discuté, puis je l’ai revu chez lui, près de Séville, on a noué un lien. Il faut savoir qu’il ne parle pas français et qu’il a appris ses dialogues par cœur."
"Il a aussi perdu neuf kilos, il a fait toutes les scènes d’action lui-même, il a appris à conduire un bus, bref, c’est un gros bosseur. Il est très précis, très exigeant. Dans l’équipe, on était les deux seuls à parler espagnol, ça nous a beaucoup rapprochés. Il m’a fait de beaux cadeaux de comédien, comme la scène d’ouverture."
Marine Vacth campe une inspectrice de police. Giordano Gederlini note : "Dans le film, elle est à la fois dure et émouvante. Et elle a une voix de théâtre, une voix extrêmement présente, qui porte. Cet aspect m’a beaucoup plu. Sans doute avait-elle envie de sortir du registre dans lequel elle est connue. Elle aime le cinéma de Rodrigo Sorogoyen, elle connaissait le travail d’Antonio."
"Elle amène une tension permanente dans le film : Elle est dans la désillusion, la violence, la culpabilité, et dans la scène où son personnage sourit enfin, on se rend compte qu’elle peut être charmante, plus complexe que l’image dure qu’elle renvoie."
Giordano Gederlini a voulu inscrire Entre la vie et la mort dans la veine du film noir, genre qui sert à dépeindre les dysfonctionnements de la société et montrer des personnages en plein questionnement existentiel. Il confie :
"J’ai été marqué par Little Odessa de James Gray. C’est un film qui reste modeste dans sa mise en scène, qui n’est pas spécialement spectaculaire, mais qui pose la question de la survie."
"On retrouve ce genre de questionnement dans les polars espagnols récents, avec une noirceur qui colle à tout et des personnages qui ne peuvent pas survivre. C’est ce cinéma qui me donne envie de mettre en scène, d’échanger avec des comédiens ou un chef opérateur ou des comédiens."
Nicolas Desmaison a signé le montage. C'est pour son travail sur Shéhérazade (2018) que Giordano Gederlini l'a choisi. Ensemble, les deux hommes n'ont pas voulu donner corps à un film sur-découpé. Le cinéaste précise :
"Même sur les scènes d’action, je préfère les plans longs où l’on sent les mouvements des personnages. Je trouve que le sur-découpage en multiples plans de deux secondes est indigeste et ne fonctionne pas. Nicolas est intelligent, posé."
"Par exemple, la séquence d’ouverture était d’abord prévue en fin de film. Elle était tellement forte que je me suis dit qu’il faudrait commencer le film avec ça. On l’a expérimenté avec Nicolas et on est tombé vite d’accord."
"Le film était déjà bien construit au tournage ce qui nous a permis de prendre un peu de distance au montage et d’expérimenter un peu, de tenter des choses avec le hors champ, de ne pas sur-utiliser une musique."