Un film ukrainien qui sort en salles, surtout durant cette période où la guerre contre la Russie qui frappe le pays fait rage, est déjà un événement en soi. D’abord parce que des œuvres ukrainiennes, il n’en sort que très rarement sur les écrans (une ou deux, grand maximum par an et en général sur un nombre de salles proprement dérisoire) et d’autant plus parce que le contexte géopolitique actuel remet forcément en perspective tout film de cette nationalité. Cependant, il ne faut pas compter pas sur un film de propagande à la gloire du pays (et c’est tant mieux), ni sur une œuvre politisée qui dissèque cette guerre, ses tenants et ses aboutissants, pas plus que les tourments identitaires du pays. En effet, « Le serment de Pamfir » a été tourné avant le début des hostilités et c’est surtout une fantastique plongée dans l’Ukraine rurale et ses coutumes. Une sorte de chronique paysanne dans la campagne ukrainienne mâtinée de polar. Ou l’inverse. Et c’est surprenant et magistral de bout en bout!
Ce qui frappe le plus dans ce film inattendu à tous niveaux c’est la majestuosité de la mise en scène! De surcroît pour un premier long-métrage. Car oui, « Le serment de Pamfir » est le premier film de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk et celui-ci fait montre d’une incroyable maîtrise de la caméra, du cadrage et de la gestion de l’espace. De la réalisation en général au final qui se double d’un sens de l’esthétisme imparable. Il n’y a pas à redire, sa première œuvre est formellement sublime, impeccable. Et même si on sent que le jeune cinéaste part parfois dans une démonstration forcée de son talent à ce niveau, un côté un peu ostentatoire et gratuit donc, il n’empêche que c’est vraiment beau. Et les exemples pleuvent pour justifier cette maestria visuelle et formelle. Les plans-séquence sont nombreux et permettent de suivre les personnages et leurs visées : ce qu’ils voient, ce qu’ils projettent et ce qui les entoure. On pense à celui inaugural ou encore à un autre qui voit Pamfir se faire dérouiller par la mafia locale. Immersif et techniquement irréprochables! Il y aussi tous ces cadrages chirurgicaux qui impactent l’œil, comme l’accouchement de ce veau en plan de plus en plus rapproché sur ceux qui en sont témoin ou, à l’inverse, celui en plan de plus en plus large sur une usine désaffectée filmée comme un club techno. Nos yeux se régalent donc tout du long sans discontinuer et un prix de la mise en scène eut été indiqué, peu importe l’endroit où le film eut été présenté.
Mais « Le serment de Pamfir » ce n’est pas uniquement une claque ou de l’esbrouffe visuelle. On pénètre de plein pied dans le quotidien d’un petit village ukrainien. Et, des décors aux accessoires en passant par la topologie du village et la nature environnante, on est totalement dépaysé. On se croirait presque dans un décor de conte fantastique qu’on raconte aux enfants. Le film est aussi un suspense au cordeau car, petit à petit, le script se mue en intrigue de polar. Et le virage se fait intelligemment et en douceur. L’engrenage fatal dans lequel se met Pamfir, même si on a parfois du mal à comprendre sa logique, est radical et édifiant. Certes, on sent l’aspect un peu mécanique d’un scénario qui manque de naturel avec ses rouages trop bien huilés et au fatalisme prévisible. Ce qui a pour effet de soustraite toute émotion, une émotion qui ne point jamais comme on le souhaiterait. Mais cette mécanique du récit est si bien huilée, il n’y pas une scène de trop ni une scène qui manque, que l’on ne peut qu’affirmer que l’on vient d’assister là à la naissance d’un grand cinéaste. Une œuvre qui a tout d’une grande : impressionnante sur la forme, passionnante sur le fond et juste un peu forcée sur certains aspects pour épater la galerie.
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