Dans la MACA d’Abidjan, l’une des prisons les plus surpeuplées d’Afrique de l’Ouest. Vieillissant et malade, Barbe Noire est un caïd de plus en plus contesté. Pour conserver son pouvoir, il renoue avec le rituel de “Roman”, qui consiste à obliger un prisonnier à raconter des histoires durant toute une nuit.
C’est une réalisation du franco-ivoirien Philippe Lacôte. Il a écrit le scénario avec Delphine Jaquet qui était directrice artistique sur son premier film Run en 2014. La Nuit des Rois a reçu le Valois de la musique de film au Festival du Film Francophone d'Angoulême 2021.
J’ai apprécié le côté exotique d’un cinéma Ivoirien peu exploité en France, mais sur la globalité je n’irai pas au-dessus de pas mal.
Ce drame fantastique va donc nous proposer un univers atypique pour un spectateur Français. On va être plongé dans la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan. Rapidement, nous allons nous rendre compte des conditions de détention précaires avec une surpopulation carcérale impressionnante. Même si le film ne s’axe pas sur le quotidien des détenus, cela permet tout de même de se faire une idée. Le principal va être dans ce fameux « roman », un conte oratoire. Le style de ces passages va être marqué et j’ai beaucoup aimé tous ces moments. Que ce soit par la forme poétique de la narration, l’interaction des prisonniers pour animer le récit, ou la musique transportante, c’est un moment agréable.
J’aurais aimé tout de même une mise en contexte plus claire. En effet, il y aura des notions assez mystiques comme par exemple avec la Lune Rouge. À aucun moment le mythe se rattachant à celle-ci n’est expliqué. On comprend son rôle, mais pas le pourquoi. De plus, comment Barbe Noire a pris le contrôle, ou encore d’où vient réellement cette tradition, voilà des questions qu’on pourrait se poser et dont les réponses sont soi absentes, soit abordées trop rapidement. Quand on me présente des nouvelles notions, je suis toujours curieux de savoir ce qui se cache derrière, mais ça ne sera pas le cas ici. En revanche les faits « réelles » abordés comme le Gang des Microbes sont bien expliqués. Une partie intéressante. Pour la petite anecdote d’ailleurs, ce rituel du « roman » existe bien à MACA mais en moins intense.
Le principal problème vient du rythme de l’histoire en général. On passe à plusieurs reprises de la partie plus prison, à celle où Roman conte son récit. Ce changement régulier va créer une véritable cassure dans la dynamique du film. À peine on commence à rentrer dans ces histoires mystérieuses, qu’on est sorti par le quotidien. Cela serait arrivé de temps en temps pour faire avancer un second axe, ça ne m’aurait pas dérangé, mais là c’est beaucoup trop souvent. Résultat, les lenteurs vont rendre ce drame assez long malgré qu’il ne fasse « que » 1h30.
Heureusement, les acteurs sont vraiment géniaux, ce qui aide à avoir une partie Roman captivante, et que les passages « vie réelle » ne soient pas non plus trop handicapants. Le jeune Bakary Koné, qui de base n’est pas professionnel, m’a tout simplement impressionné. Son phrasé est prenant. On a envie de l’écouter jusqu'au bout de la nuit. Il va être encadré par des comédiens d’expérience au visage familier comme Steve Tientcheu dans le rôle de Barbe Noire. Cet homme imposant et charismatique avait eu un second rôle important dans Les Misérables (2019). Pour tenir la prison, nous allons avoir Issaka Sawadogo. J’aime l'aura naturelle de ce Burkinabé vue dans Samba (2017).