Lorsqu'il était enfant, Valdimar Jóhannsson passait beaucoup de temps dans la ferme bovine de ses grands-parents. Les moutons et les béliers sont donc des animaux qu'il connaît bien. Le réalisateur, qui signe son premier long métrage, a toujours voulu raconter une histoire basée sur des contes populaires :
"Une histoire qui parlerait de la place de la nature en chacun de nous et des gens dans la nature. J’ai tout d’abord travaillé sur un mood board et un roman graphique afin d’écrire une histoire qui deviendrait un film. En 2010, mes producteurs m’ont présenté à l’auteur Sjón, ce qui m’a porté chance."
"Nous avons parlé de mon idée qui est devenue Lamb (Dýrið). Mes sources d’inspiration lui ont plu, il était fasciné par les mêmes choses que moi ; nous avons pris le temps de travailler en bonne intelligence sur le scénario, ce qui nous a permis de finir par très bien nous connaître."
"Le cinéma est un medium audiovisuel qui provoque l’émotion à plusieurs niveaux, et pendant l’écriture nous nous sommes concentrés sur le récit à travers des images et des sons, en réduisant les dialogues au minimum. Notre film s’inspire beaucoup des contes populaires islandais."
Le film a été présenté dans la sélection Un Certain regard du Festival de Cannes 2021, où il a reçu le Prix de l'originalité. Au Sitges, festival du cinéma fantastique de Catalogne, Lamb a par ailleurs été sacré meilleur film et Noomi Rapace meilleure actrice. Enfin, le long-metrage représentera l’Islande aux Oscars en 2022.
Pour Valdimar Jóhannsson, Lamb est un poème visuel sur un couple qui, après une perte douloureuse, est prêt à tout pour retrouver sa joie d’antan : "La vie du couple de Maria et Ingvar est teintée de culpabilité, car ils ne sont pas parvenus à surmonter leur perte. Ainsi, ils sont prêts à céder à quelque chose qui ne durera que peu de temps pour ramener de la joie dans leur vie."
"Mais alors que Maria fait de son mieux pour protéger la famille de toutes les forces extérieures qui menacent leur réalité irréelle soigneusement composée, elle sait que cette réalité doit être vécue dans l’instant, l’amour et l’acceptation jusqu’à l’inévitable fin. Vivre dans l’instant, sans penser au passé et surtout pas à l’avenir", précise le metteur en scène.
La force et la détermination du personnage de Maria ont été inspirées à Valdimar Jóhannsson par sa grand-mère, qui est récemment décédée. Il confie : "Mon grand-père et elle avaient une femme d’élevage de moutons et ont eu cinq enfants en huit ans. Sur leur ferme, le travail n’était pas divisé entre tâches féminines et tâches masculines, ils faisaient tout, ensemble – de la mécanique au ménage en passant par la cuisine. La vie à la ferme n’était pas toujours facile, mais ma grand-mère ne se laissait jamais démoraliser. Maria est également dotée de cette résilience. Elle est robuste et refuse de douter de la vie. Et même si la perte que le couple a subi leur a ôté toute passion et joie, cela les a également rapprochés."
Pour les scènes d’extérieur, Valdimar Jóhannsson et son directeur de la photographie Eli Arensson ont décidé d’exploiter au maximum les possibilités offertes par la lumière naturelle. Le cinéaste se rappelle : "Le film a été tourné dans une ferme au nord de l’Islande. Les animaux, la ferme et ses environs sont des personnages essentiels. Et bien sûr les saisons, chacune avec sa lumière et sa brume, et les deux mondes – le monde luxuriant et fragile des humains sur la ferme et le monde inconnu et mythique des montagnes hostiles, où l’on ne peut pas contrôler la nature."
Noomi Rapace n’avait jamais travaillé avec une équipe si réduite (35 personnes) et dans isolement pareil. La comédienne a apporté la bonne dose de froideur mais également d’attention à Maria, un personnage qui est la force motrice du film. Le réalisateur ajoute au sujet des deux autres rôles principaux :
"Quant à Hilmir Snær, il a apporté une force vulnérable à Ingvar. J’avais déjà travaillé avec lui et je le connaissais très bien ainsi que ses forces. Enfin, Björn Hlynur amène ce qu’il fallait de conflit et de soulagement tandis qu’il fait irruption dans le monde irréel du couple, en les défiant de sortir de leur illusion."
Lamb a été tourné dans une ferme au nord de l’Islande. Pendant un an, Valdimar Jóhannsson, les producteurs Hrönn Kristinsdóttir et Sara Nassim et le directeur de la photographie Snorri Freyr ont cherché le lieu de tournage idéal. Le cinéaste explique :
"Nous avons fait deux fois le tour de l’île et visité toutes les fermes d’Islande. Quand j’ai finalement choisi la ferme Flaga au nord de l’Islande, j’étais sceptique. Elle était inhabitée depuis vingt ans, donc il a fallu beaucoup de travail pour en faire l’endroit que j’avais en tête pour mes personnages."
"J’ai une idée très précise de ce que je veux en termes de plans, de formes, de tendances et de couleurs, donc il a fallu un peu de temps avant de pouvoir tourner. La ferme était devenue la maison de mes personnages deux semaines avant le début du tournage."