L’Esprit sacré est né de la découverte par le réalisateur d’un groupe de passionnés de parapsychologie dans sa ville : « C’étaient des gens tous très différents, mais qui avaient décidé de composer une espèce de « famille ésotérique ». Ils parlaient d’une activité qu’ils allaient organiser bientôt - une « alerte ovni » : ils allaient passer la nuit dans un endroit éloigné des lumières de la ville pour regarder le ciel. » En parallèle, il a eu l’idée d’une petite fille portée disparue et dont on utiliserait pour les recherches non pas sa photo mais sa sœur jumelle : « J’ai pensé que c’était une idée aussi drôle qu’horrible. »
Chema Garcia Ibarra aime créer une confrontation entre la fiction, écrite et structurée, et une forme de documentaire en faisant appel à des acteurs non professionnels. « Nous avons très vite décidé de ne jamais utiliser le mot « casting ». Nous cherchions des gens qui n’auraient jamais pensé s’inscrire à un casting, donc on a évité le mot dans tous les outils de communication. Nous avons publié une offre d’emploi où nous cherchions des gens pour participer au tournage d’un film, en décrivant brièvement les personnages, et l’on a précisé que ni une expérience ni un physique déterminé n’étaient requis. » Plus de 3000 personnes l’ont contacté. Il a procédé en associant le personnage à la personnalité du « comédien », en se nourrissant de leurs manières de parler, leurs tics de langage, leurs particularités physiques, leurs gestes… Il a fait en sorte de ne pas leur faire mémoriser trop de texte pour laisser place à l’imprévu. Il considérait que se tromper dans le texte ou bafouiller n’était pas une erreur : « je les laissais continuer, comme dans la vraie vie, où on bégaie, où on ne trouve pas ses mots, mais ça ne nous arrête pas. Il n’y a pas de coupes dans la vraie vie ! »
Chema Garcia Ibarra se décrit comme complètement sceptique sur les croyances et la parapsychologie. Ce qui l’intéresse dans l’ésotérique et le paranormal, ce ne sont pas les faits en soi mais leur dimension humaine et anthropologique. Pour L’Esprit sacré, il s’est ainsi beaucoup documenté sur l’ufologie, non pas sur les apparitions d’ovnis mais sur les personnes qui affirment en avoir vu. « Je suis très sceptique sur tout, c’est peut-être pour cela que je cherche à enquêter sur les mécanismes qui font que quelqu’un puisse ne pas l’être. Que des gens qui sont en apparence très sensés soient capables de croire en des théories absurdes, c’est pour moi quelque chose de fascinant. Jusqu’à un certain point, je trouve ça touchant, j’ai l’impression que, pour eux, le fait de croire est un moyen de se protéger de l’absurde de la réalité. »
L’Esprit sacré a été tourné en 16 mm afin de coller à l’envie de minimalisme du réalisateur : « Il y a des subtilités de couleurs et de lumières que seul le 16mm peut faire surgir avec fidélité. La pellicule force aussi à réfléchir et à donner de la valeur à chaque plan. On essaie d’aller au plus petit, au plus minimal du langage cinématographique. On veut toucher l’essence de chaque séquence. »
Leonor Diaz, la directrice artistique, a effectué un travail de recherche minutieux pour les accessoires et costumes. Elle utilise des vrais objets qui proviennent souvent des lieux de tournage et refuse de se fournir dans les boutiques d’accessoires afin de ne pas se retrouver avec les mêmes objets utilisés sur d’autres films. Le réalisateur explique : « Beaucoup de décors et de costumes sont aussi « naturels » : des vrais appartements, des locaux qui existent, des costumes appartenant aux personnes qui apparaissent dans le film. Leonor participe activement à la recherche et à la sélection de ces décors. Les objets qui s’y trouvent sont « imprégnés » de vie et ça habite le film. »
Le film se déroule à Elche, ville natale du réalisateur, où il vit encore actuellement. L’Esprit sacré est une lettre d’amour à ce lieu et ses habitants : « Elche est une ville très éloignée de l’industrie du cinéma. Depuis toujours, j’ai entendu que, pour devenir cinéaste, je devais partir, que c’était le seul moyen d’évoluer professionnellement et artistiquement. J’ai décidé que cet endroit, qui soi-disant était un frein à ma carrière, allait devenir la source de mes films. Tourner dans ma ville est devenu presque un acte politique. » Il souligne l’importance de décentraliser le cinéma afin d’échapper à une standardisation de cet art.