Dix-huit ans avant Presque, Bernard Campan a contacté par téléphone Alexandre Jollien après l’avoir vu à la télévision : « Il racontait l’histoire d’une personne qui va voir Diogène et qui lui demande comment il faut faire pour être philosophe. Diogène lui répond : “si tu veux être philosophe tu prends un hareng et tu le traînes derrière toi en traversant la ville d’Athènes”. Et Alex avait ajouté : "l’avantage c’est que le hareng je le traîne toujours avec moi" ! Il parlait du regard de l’autre et comment assumer ce regard. Ça m’avait bouleversé ». Une amitié est alors née entre les deux hommes, qui s’est d’abord construite à travers des échanges téléphoniques : « On s’est appelé quasiment tous les jours pendant très longtemps et longuement ».
C’est le producteur Philippe Godeau qui a eu l’idée de réunir Bernard Campan et Alexandre Jollien, après avoir été le témoin de leur amitié. Mais il n’y avait alors rien de concret et c’est dix ans plus tard que Jollien a suggéré à Campan de réaliser le film : « Alexandre m’a dit : “tu sais si tu réalises le film, moi je veux bien jouer dedans” ». C’est aussi Jollien qui imagine la rencontre entre un croque-mort et un homme handicapé féru de philosophie.
Infirme moteur cérébral, Alexandre Jollien a grandi dans une institution spécialisée pour personnes handicapées. Malgré un parcours semé d'embûches, il a étudié la philosophie, qui est devenu son domaine de prédilection, au sujet duquel il a consacré plusieurs ouvrages.
Presque marque les débuts au cinéma d’Alexandre Jollien. Un véritable défi pour ce dernier : « concernant la direction d’acteurs, cela a été difficile pour moi. Je suis quelqu’un qui a vécu 17 ans en institution où les autres décidaient de la couleur de mes sous-vêtements jusqu’à mes 18 ans. Mais j’ai fait l’expérience d’une direction bienveillante pas du tout comme l’éducateur castrateur. » Bernard Campan précise : « Il nous disait qu’il ne comprenait pas ce qu’on lui demandait car nous changions parfois de cap. On se disait les choses pour continuer, pour avancer et pour ne pas garder les choses pour soi. Tout s’est très bien passé évidemment dans le fond mais il a fallu surmonter des écueils dont celui-la. »
Presque est pour Alexandre Jollien une façon de transmettre un outil spirituel à des gens qui ne sont pas forcément intéressés par la philosophie : « C’est la philosophie qui m’a sauvé la vie : c’est une façon d’exister, de relativiser, d’avancer. Pendant le tournage je me disais souvent et ma femme me le répétait : “pense à tous ceux qui souffrent de discrimination”. Et c’est ce qui me portait. S’il n’y avait pas un peu d’humour dans la vie, il y aurait de quoi se flinguer tous les jours. C’est difficile de parler du handicap et de la mort sans tomber dans le pathos. »