Il mio corpo s'inscrit dans une trilogie, tournée en Sicile par Michele Pennetta, dont les deux premiers opus sont 'A iucata et Pescatori di corpi. Le metteur en scène a, en effet, toujours été fasciné par l'île italienne et sa face cachée. Il explique : "Dans chacun de mes films, je m'intéresse à des personnages marginaux, invisibles aux yeux de la société. J'ai voulu montrer ce monde de laissés pour compte. Pendant que je tournais mon premier film, j'ai été témoin de problèmes liés aux flux migratoires. Comment regarder la réalité de l'immigration de manière inédite ? Je pense qu’à l’époque je n’étais pas assez mur pour parler de ce sujet. Il m'a fallu cheminer intérieurement et artistiquement."
Avec Il mio corpo, Michele Pennetta filme deux destins en miroir. A l'origine, le cinéaste n'avait pas prévu d'avoir un second personnage puisqu'il comptait uniquement se centrer sur la famille de Marco. Il précise : "Mais en plus des mines, j'ai découvert que cette île abritait l'un des plus grands centres pour migrants d'Europe. Ce qui m'a frappé, c'est que ce lieu est comme une mine, ce qui me ramenait à mon sujet d'origine. Ce centre se situe au milieu de nulle part. Les résidents font du stop pour rejoindre les villes d'à côté quand ils ne volent pas des vélos. Je me suis dit que ce serait bien que j'intègre une autre histoire et en prospectant, je suis tombé sur Stanley qui travaillait à l'église."
Michele Pennetta a opté pour une mise en scène marquée par de nombreux contrastes, notamment entre la beauté et la misère. Le réalisateur justifie ce parti-pris : "Nous avions rarement des lumières avec nous, excepté pour les scènes d'intérieur où la lumière était trop basse. Nous avons vraiment travaillé la lumière naturelle et tourné à des périodes de la journée où ces contrastes étaient les plus évidents et les plus typiques de cette île de la Sicile. A l'époque où nous tournions, la lumière était magnifique. Sans que nous ayons eu à intervenir, nous avions en effet ces grands contrastes entre la beauté et la misère. C'est un des thèmes du film. J'essaie de sublimer l'environnement."
Le titre, Il mio corpo, s'est imposé à la fin du montage, et englobe la thématique religieuse, présente dans le film. Michele Pennetta note : "Effectivement, il y a tous ces rappels de la religion dans le film qui fonctionnent de manière symbolique, comme la découverte de la statue de la Vierge dans la décharge. Ce titre renvoie aussi au corps qui travaille, qui marche, qui accomplit un certain nombre d'actions, en plus du corps sacrificiel du Christ. Ce titre ouvre donc à différentes interprétations. Cette dimension à la fois religieuse et physique est présente dans le film."
Il mio corpo a été sélectionné en compétition internationale au Festival Vision du Réel, ainsi qu’au Festival de Cannes dans la programmation ACID, en 2020.
Il mio corpo, comme les autres films de Michele Pennetta, montrent ce que la société a laissé derrière elle, à savoir des déchets, mais aussi les migrants. Il précise : "Quand les jeunes sortent du centre pour migrants à 18 ans, comme dans tous les autres pays européens, ils n'ont plus le statut de mineurs accompagnés. Ils deviennent des clandestins pour la plupart. L'Italie ne les rapatrie pas et les laisse errer sur son sol. Quand ils les attrapent, ils les jettent en prison. Les migrants sont en effet comme ces objets que l'on jette, en plus ou moins bon état. Stanley est un rebut de la société, sauf qu'il essaie de remonter la pente. Il refuse de dealer. J'ai vu des camps clandestins avec certains de ces jeunes migrants qui squattent des maisons à l'abandon."