L'Oubli que nous serons : les secrets du tournage

Dès sa sortie en 2006, le roman d’Héctor Abad Faciolince, "L’Oubli que nous serons", a été un immense succès et est aujourd’hui considéré comme un des chefs-d’œuvre de la littérature hispanique. L’auteur n'est autre que le fils du docteur Abad assassiné à Medellín en 1987. Le réalisateur Fernando Trueba explique : "Ce livre autobiographique est d’abord l’éloge, tout en délicatesse et respect, du fils à son père, médecin humaniste, militant des droits de l’Homme. C’est également la chronique d’une famille soudée autour de ce père de famille adoré de ses six enfants. Enfin, c’est une immersion dans la ville de Medellín, gangrénée par la violence des politiques et des narco-trafiquants dans les années 1970-1980."

Héctor Abad Faciolince est né à Medellín en 1958. Journaliste, romancier, traducteur de nombreux auteurs italiens, il a fait ses études de médecine à Medellín et de Lettres modernes à Turin. L’assassinat de son père en 1987 le contraint à vivre en exil pendant plusieurs années. Son œuvre romanesque, couronnée de plusieurs prix et traduite dans plusieurs langues, est considérée comme l’une des plus importantes de la littérature colombienne contemporaine.

Fernando Trueba a tourné à Medellín, où les lieux décrits dans le livre existent encore, tout comme certaines personnes qui ont connu l'époque durant laquelle le film se déroule, à savoir les années 1980. Le cinéaste confie : "J’ai par exemple découvert que le comédien qui incarne le rôle du voisin juif avait connu le docteur Abad. Il est venu sur le plateau avec les vêtements qu’il portait à l’époque, lors de leur rencontre. Le grand-père d’Elisabeth Minotta, qui joue une des filles du docteur, a été assassiné. Sur le tournage tout le monde était, de près ou de loin, concerné par cette histoire. Un jour, la famille Abad a invité toute l’équipe du film. J’ai alors contemplé cette scène incroyable : chaque membre de la famille aux côtés de l’acteur l’incarnant !"

La ressemblance de Javier Cámara avec le vrai docteur Abad est frappante. C'est pour cette raison que l'écrivain Héctor Abad Faciolince a suggéré cet acteur à Fernando Trueba. Ce dernier explique toutefois que cette concordance au niveau du physique n'était pas la seule raison pour laquelle Cámara a été choisi : "En regardant les photos du docteur, une chose m’a sauté aux yeux : il rit sur pratiquement tous les clichés. Il ne sourit pas, il rit. C’est la caractéristique principale du personnage et c’est impossible à feindre. Si j’ai pensé à Javier, c’est que lui aussi traverse la vie en riant. Il n’arrête pas, qu’il y ait une caméra ou non !"

Le film a fait partie de la Sélection Officielle au festival de Cannes 2020.

Mis à part l'Espagnol Javier Cámara, tous les comédiens et techniciens de L'Oubli que nous serons sont Colombiens. Fernando Trueba a en effet trouvé, dans ce pays, un vivier d'acteurs de talent : "Nicolas Reyes Cano et Patricia Tamayo, qui incarnent respectivement le fils et la femme du docteur, ont une profondeur de jeu remarquable. Si Patricia était américaine, elle serait oscarisée ! Quant à Nicolas, il serait une star. Chose appréciable en Colombie, quand on réunit un cast, les critères de prix ou de carrière des comédiens ne sont pas pris en compte. Le cinéma n’est pas encore une industrie lourde. Les deux jeunes enfants qui jouent le fils Abad et sa sœur ont montré un professionnalisme incroyable pour leur âge."

Fernando Trueba a choisi le compositeur polonais Zbigniew Preisner qui a obtenu, entre autres, deux César pour Trois couleurs - Rouge de Krzysztof Kieslowski. "C’est même la première chose que j’ai exigée du producteur. Je voulais une musique de "l'intérieur". Pas une musique plaquée et surtout pas de folklore. On a travaillé ensemble dès le scénario et jusqu’au montage. Pour quelques séquences particulières, j’ai rajouté des musiques pop et rock des années 60-70. La musique, c’est l’harmonie du film. Elle ne doit pas être ajoutée. Elle doit se sentir pendant le tournage, faire partie du film, avant même d’avoir été composée", confie le réalisateur.