Tsuji, travaille de manière appliquée, mais sans grande passion, dans une entreprise commerciale de feux d’artifice. Célibataire, il partage sa vie amoureuse, entre sa supérieure hiérarchique et une collègue, qui semblent lui être aussi sympathique l’une que l’autre.
Il a un joli visage de trentenaire, de ceux dont on dit qu’il est avantagé physiquement. Il est toujours soigné, vêtu d’un costume cravate, comme l’exige son emploi. Chez lui, pas l’once d’une aspérité. En toute simplicité, Tsuji est parfaitement adapté, dans toute situation aux autres.
Lors d’un achat dans un konbini, il vient en aide à une jeune femme, Ukiyo. Cette rencontre va être le début d’une série de péripéties. La vie du jeune homme, aux allures de pendule bien réglée, va commencer à se déphaser.
Ce film est le 1er long métrage d’un dyptique, dont le titre « suis moi, je te fuis » annonce le second « fuis moi, je te suis », négatif du positif, et son complémentaire, dont on imagine les rôles interchangeables.
Tel un rapport de force dans le couple, avec tout ce que ce comportement peut avoir d’irrationnel, le réalisateur souhaite nous emporter dans la lumière du dicton - fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis –
En séduction, on peut parfois se sentir irrésistiblement attiré, par celle ou celui qui nous échappe. Cette sensation de l’insaisissable va exciter la convoitise, et tel un parfum captivant, revêtir l’autre de ses plus beaux atours. Le défi viendrait alors décupler la force du désir de possession. La relation est maintenue sous tension, arlésienne d’une éternelle promesse, dont la finalité pourrait être de ne pas perdre le contrôle pour éviter de souffrir.
Tout cela est prometteur, pour nous embarquer dans les méandres de la relation amoureuse, dans tout ce qu’elle peut avoir d’humain dans l’irrationnel.
Pourtant, quelque chose ne fonctionne pas dans cette première partie. A forcer le trait des caractères de ses personnages, Kôji Fukada, les dévitalise de toute émotion. Si cela peut fonctionner sous l’encre du dessin d’un manga, ça ne fonctionne pas très bien dans la narration du film. On décroche par moment faute de réalisme. Le jeune homme est corseté dans ses habitudes et son savoir-être, et la jeune femme est tout aussi corsetée, dans son obligation en toute ingénuité, d’apporter en continu des bouleversements au monde qui l’entoure. Des personnages évanescents auraient assurément gagné en puissance émotionnelle, à être plus subtilement écrits.
Thème récurrent dans le cinéma japonais, il y a peu « The Aristocrats » s’intéressait comme son titre l’indique à la noblesse japonaise. Et le film montrait un milieu social très corseté lui aussi, à travers les obligations et devoirs qui incombent aux gens bien nés.
Dans ce volet d’un film en deux parties, « Suis-moi, Je te fuis » / « Fuis-moi, je te suis », on retrouve, cette même idée d’une société qui efface toute individualité dans la communauté.
Des précédents films de Kôji Fukada, « L’harmonium » ou l’infirmière » ne m’avaient pas pleinement convaincu. Le cinéaste, avec un élément perturbateur, installe toujours brillamment le trouble, dans l’étude de mœurs de la société japonaise moderne. Mais il peine à construire son intrigue au-delà de la très belle ambiance mise en place, qui laisse un gout d’inachevée.
Peut-être la seconde partie, viendra t’elle éclairer la première, d’un éclat qui lui fait défaut. Encore faut-il avoir envie de prendre le risque d’insister 2 heures encore, pour poursuivre l’aventure cinématographique aux côtés des deux jeunes gens. Rien n'est moins sûr...