Kôji Fukada continue de parsemer les cendres d’une passion manquée, quand bien même cela puisse devenir plus ambigu (L’Infirmière). Il se penche à présent sur la passivité et l’oisiveté du peuple urbain japonais, où les heures défilent et les jours s’empilent sans la moindre chance de s’extirper de cette routine. Il en vient à croiser le parcours de deux personnages, qui sombrent chacun dans les ténèbres de leur quotidien. L’un s’attache à un confort, qui n’est ni dû à ses relations sentimentales, ni à son dévouement solidaire. L’autre s’efface au fur et à mesure qu’elle commence à s’arrimer, la plupart du temps au crochet d’une personne, si ce n’est de l’alcool. Un jeu de chasse du chat et de la souris se confirme et les titres francophones accentuent ces moments de recherches, qui semblent tenir de l’idylle théorique et utopique.
Tsuji (Win Morisaki) pourrait vivre le rêve dans les quartiers populaires, où il ne se passe pas grand-chose. Cependant, il travaille et il possède des amantes, sans passion. Il n’y a pas d’histoire, ni d’avenir pour celui qui ne pense ni au mariage ni à ce qu’il est en train de vivre, si ce n’est la désolation qui s’empare de lui, au lendemain d’une rencontre inattendue. Ukiyo (Kaho Tsuchimura) est une femme perdue, mais libre, car il sera autant difficile de la cerner que de la contenir. Des hommes en ont après sa personne, elle qui ne sème que le chaos derrière elle. Mais qui peut-elle bien être ? Une sirène des temps modernes ou plutôt la justification des couples dysfonctionnels ? Tant d’interrogations nous parviennent avec le silence qui les précède. Le calme irritant de la ville aspire ainsi toute la vitalité de ces protagonistes, qui s’aiment inconsciemment, simplement parce que cela doit être le premier véritable émoi de leur existence.
La balade à travers des quartiers fréquentés, d’autres peu recommandés, conduit Tsuji à couvrir les arrières d’une Ukiyo maladroite, menteuse, manipulatrice et dont la sincérité reste à prouver. Pourtant, il existe une connexion entre les deux, quel ‘on ne verra nulle part ailleurs. Et elle se voit distinctement lorsqu’il est obligé de partager les méandres de la femme, qui n’a ni foyer ni famille à entretenir. C’est ce que l’on pourrait croire et premier abord et l’on viendra détendre toute cette problématique avec quelques feux d’artifices, qui scintillent dans l’obscurité. Ce ne sont pas les passés respectifs des personnages qui fascinent, bien au contraire, car nous assistons entièrement à leur chute. Et la continuité de cette étude serait une ascension ultime, où ces âmes errantes pourraient se libérer de leurs chaînes et de leurs obligations. En dépendant d’autrui ou de dettes douteuses, il convient ainsi de combler les vides, mais ce sera au prix d’un sacrifice qui doit les amener à défier leur condition de vie, une fois pour toutes.
Hélas, il faudra patienter avant de connaître le dénouement de toute cette aventure, qui semble si éphémère et pourtant aussi intense dans son déroulé. Il ne reste donc plus que la frustration pour se manifester dans un entre-deux épisodique, indéniablement et nécessairement complémentaires. Le format sériel de « The Real Thing » laisse un goût amer dans ce chapitrage. « Suis-moi je te fuis » et sa suite et fin « Fuis-moi je te suis » gagnent à être découverts d’une traite, afin de pleinement profiter de son double jeu entre l’amour et l’amourette, chose qui fascine déjà énormément dans cette longue exposition.