Libre Garance ! se déroule en 1982-1983. A travers cette période, Lisa Diaz voulait raconter l’histoire d’un héritage politique via cette interrogation : qu’est-ce que la génération des années 1970, qui a beaucoup espéré, lègue à la génération d’après ? La réalisatrice précise :
"Cette question de la transmission politique m’intéresse. Elle se posait de façon double à cette période-là, entre ceux qui ont expérimenté le mouvement du retour à la nature ; et les derniers feux de la lutte armée incarnés dans le film par l’activiste italien."
"Qu’est-ce que ça questionne en termes d’espoir ? Où en est l’utopie ? C’est ce moment de bascule du début des années 80 que je voulais raconter à l’intérieur d’une famille de gauche, qui se pose des questions sur leur engagement."
"La mère voudrait que les changements de société aillent plus loin, et ça la désespère de constater que rien ne bouge plus vraiment. Le père, lui, est finalement convaincu que vivre de manière alternative comme ils le font, est une forme d’engagement."
"82-83, c’était une période de doute, de tiraillement. Ça résonne complètement avec ce que nous vivons aujourd’hui. Qu’est-ce qu’on lègue à nos enfants ? Comment imaginer une utopie actuellement ? Comment sortir du capitalisme ?"
Lisa Diaz a grandi dans les Cévennes. Après des études de Lettres et d’Histoire, elle commence à réaliser des films, documentaires et fictions. Ses courts et moyens métrages ont été sélectionnés et récompensés dans des festivals français et internationaux. Eva voudrait, son dernier moyen-métrage a été récompensé par le Prix du public au festival Côté Court de Pantin et a été sélectionné au festival de Clermont-Ferrand 2021. Libre Garance ! est son premier long-métrage.
Le titre du film, Libre Garance !, est une injonction à la liberté pour la jeune héroïne, Garance : "Comme si on lui chuchotait à l’oreille : « sois libre ! », sans qu’elle sache exactement comment trouver cette liberté. C’est une manière de se lancer dans le monde avec son imaginaire d’enfant."
"Le côté vertical du « i » de « libre » correspond totalement au grand corps mince et élancé de ma jeune comédienne, Azou Gardahaut-Petiteau, quand elle part dans la montagne. Elle cherche à inventer son chemin face aux doutes de ses parents", confie Lisa Diaz.
Libre Garance ! a été tourné dans les Cévennes, en Lozère, près de l'endroit où Lisa Diaz a grandi, et où il y a eu beaucoup de retours à la terre dans les années 70-80, avec une vie communautaire assez forte. La réalisatrice se rappelle :
"C’est encore le cas aujourd’hui. Les figurants du film étaient raccords avec tout ça, eux et leurs maisons. Je n’ai pas eu l’impression de fabriquer une situation. Je sais aussi que c’est un endroit où les gens se planquent, peuvent disparaître, un territoire où l’on peut réellement se perdre."
"Il y a une maison par-ci, une maison par-là et des kilomètres de montagnes qui constituent un territoire sauvage. C’est un endroit où la faune et la flore sont très présentes. Un territoire peu peuplé où les habitants se baignent nus dans les rivières !"
Lisa Diaz a choisi Azou Gardahaut-Petiteau pour jouer Garance. La cinéaste justifie ce choix : "Elle est très souple, très agile. Elle fait du surf et a grandi dans une petite ville au bord de la mer. Elle a passé les essais et montré qu’elle savait très bien improviser."
"Elle a de l’humour. J’aimais aussi sa capacité à être vivante, très à l’aise avec les adultes comme avec les autres enfants. Elle avait ce côté chef de bande aussi dans la vie. Tom Sawyer !"
La thématique de la peur est présente tout au long de Libre Garance !, notamment sous la forme du cauchemar et du conte. Lisa Diaz développe : "Cette peur, je la sens aujourd’hui partout diffuse. Elle habite nos quotidiens, nos projections d’avenir."
"La première des peurs, c’est celle de ne pas savoir où nous allons. On est quand même dans une période de grande menace, de grande incertitude. Mais il reste néanmoins la force du quotidien. Il y a l’enfance qui est là, et la joie qui en émane, malgré tout, comme une forme de résistance."
Lisa Diaz et la directrice de la photographie Julia Mingo ont opté pour une lumière naturelle, avec pour objectif de capter la lumière blanche du sud, aveuglante. La cinéaste se souvient : "Et au contraire, il fallait restituer la lumière toute en clair-obscur des maisons cévenoles, et ces nuits d’été éclairées doucement et de façon la plus naturelle possible."
"En même temps, j’avais le souci de ne pas contraindre mes jeunes acteurs avec une technique trop présente. Ce qui comptait pour nous, c’était de les laisser s’exprimer instinctivement. De consacrer le plus de temps possible dans ma mise en scène à les laisser jouer, proposer."