A l’évidence, le revisionnage du premier « Rocky » permet de saisir l’opportunité incroyable qu’a eu Stallone pour créer et imposer une icône qui a largement débordé le cinéma…Car qui dans le monde d’aujourd’hui n’a pas fait son jogging avec le thème musical de Bill Conti en tête ? Franchement ? « Rocky » fait partit de notre culture, il est dans le paysage depuis plus de trente maintenant et il constituera, quoiqu’il advienne, la postérité de son créateur….Pour autant, il ne pas faut oublier le film lui-même, qui contient un vrai commentaire social sur l’Amérique pauvre des années 70 mais sans verser dans le pathos, le glauque ou la mièvrerie. Certes, on a abondamment évoqué le message d’espoir contenu dans le film avec, implicitement, cette façon de revisiter le rêve américain. C’est vrai, il y a peut-être une vraie démarche humaniste chez Stallone mais qui paradoxalement consiste à créer de l’égo, en tout cas le bois qui sert à fabriquer ce qu’on appelle les « self made men ». A savoir on essaye de passer l’obstacle, on fait l’effort de le faire jusqu’au bout, sans se renier et en restant digne. Le truc est, que, selon ce principe, on ne voit quasiment que lui à l’écran. Que lui. Stallone. Alors, qu’est-ce qui fait la différence ? La sincérité. Et une forme de réalisme aussi puisqu’il a mis beaucoup de lui-même et de son parcours dans ce scénario. C’est pourquoi presque tout sonne juste. Même l’avènement du personnage d’Apollo Creed malgré son étalage d’arrogance sportive et patriotique – sans doute Stallone s’est–il inspiré des shows que faisait Mohammed Ali avant chaque combat…Bref, l’écriture des personnages et la peinture du monde la boxe est plutôt réussie. Pour le reste, c’est vrai, « Rocky » n’est pas grand film de cinéma. Non, c’est une forme de mélo moderne, réaliste, américain, assez classique même mais qui très honnêtement réalisé. Et John G. Avildsen, qui signe d’ailleurs la mise en scène, amène une sobriété qui épouse bien le sujet. Autre atout du film, sa photographie. Ça n’a l’air de rien, mais il y a tout un travail discret mais intéressant sur la lumière dans « Rocky » et plus précisément sur le passage de l’ombre à la lumière. Rues mal éclairées, intérieurs d’appartements insalubres, etc., il y a constamment dans ces lieux des personnages sortant de l’ombre pour aller vers la lumière. En cela, formellement, le film suit idéalement le sujet puisque Rocky Balboa, du jour au lendemain, est appelé à sortir de l’anonymat pour combattre une star de la boxe. Et puis, évidemment, le film ménage quelques jolies scènes d’émotion mémorable (le premier baiser Rocky/Adrian, la scène finale, la montée des marches, etc…) mais surtout impose cette fameuse « fausse patte » qui a « du cœur » (dixit Mickey, l’entraineur), ce fameux Rocky un peu rustre et bougon mais au final, tellement sincère. Stallone, comme acteur, est d’ailleurs constamment dans le ton, il n’en fait jamais trop et attire très vite la sympathie du spectateur. A ses côtés, Adrian (Talia Shire) sonne juste aussi. Elle est touchante en timide employée d’animalerie. Dommage pour autant (et ce sera ma seule réserve) que son rôle soit un peu secondaire, trop dans l’ombre de son partenaire. On aurait aimé deux ou trois scènes de plus pour montrer une Adrian amoureuse de son Rocky. Quelques scènes en tout cas qui la transcendent un peu car son personnage accuse toujours une espèce de raideur…Mais cela n’empêche pas le film d’être devenu le tremplin (ou le ring !!) d’un héros aujourd’hui à la stature universelle.