La Tour de Nesle : les secrets du tournage

La Tour de Nesle est adapté de la pièce du même nom écrite par Alexandre Dumas et Frédéric Gaillardet, et qui est elle-même inspirée de l'affaire de la tour de Nesle de 1314, dans laquelle les trois belle-filles du roi de France Philippe IV le Bel ont été emprisonnées pour cause d'adultère (les amants ont été exécutés). Le réalisateur Noël Herpe explique :

"La Tour de Nesle... Ce titre seul a fait rêver des générations de spectateurs, et de comédiens. La première réplique de la pièce (Oh là, tavernier du diable !), la tirade dite des grandes dames, le morceau de bravoure de Buridan dans sa prison sont devenus autant de “scies” du répertoire théâtral, aussi célèbres que des airs d’opéra. La popularité de l’œuvre ne s’est jamais démentie, depuis sa création en 1832 jusqu’à ses reprises au XXe siècle, sous la direction de Silvia Monfort ou de Roger Planchon. En passant par d’innombrables représentations en tournée, et plusieurs adaptations à l’écran: la plus fameuse fut celle d’Abel Gance, en 1954, qui développait la dimension érotique et fantastique du drame."

"Au départ, c’est surtout la dimension politique qui avait impressionné le public. Au lendemain des journées révolutionnaires de juillet 1830, le personnage de Buridan, aventurier qui tient tête aux puissants et dévoile les turpitudes de la monarchie, apparaissait comme un héros démocratique. A cet arrière-goût contestataire s’ajoutait une polémique littéraire: celle qui opposait l’“auteur” de la pièce, l’obscur Gaillardet, au flamboyant Alexandre Dumas qu’on avait chargé de tout récrire... Mais nul ne s’offusquait des libertés prises par celui-ci avec la vérité historique. Si le Moyen Age était convoqué, c’était au service d’un genre nouveau: le (mélo)drame romantique, avec sa cascade de péripéties spectaculaires et outrancières."

Lorsque Noël Herpe a lu le texte d'Alexandre Dumas, il y a vu une matière cinématographique par excellence. "Sans qu’il soit aucunement nécessaire de recourir au second degré, à la distanciation, à la transposition dans le présent. Parce que la force des situations se suffit à elle-même, avec cette guerre des sexes pure et dure que se livrent Marguerite et Buridan, avec ce nœud de conflits incestueux qui sont représentés en toute innocence. La Tour de Nesle, c’est l’inconscient à l’état sauvage, pas encore domestiqué par l’esprit critique du XXe siècle. Une sorte de préhistoire aussi du récit cinématographique où s’inventent sans le savoir le suspense, le truquage et le hors-champ. Pour toutes ces raisons, la pièce ne saurait être adaptée que littéralement. Au risque du kitsch et de l’invraisemblance, qui font partie intégrante de son charme et n’enlèvent rien à son efficacité", raconte le metteur en scène.