Chaque film a sa genèse. Celle de We Are Soldiers n’est pas banale. Svitlana Smirnova était actrice de théâtre, en Ukraine, avant de venir en France lors de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Elle s'est portée volontaire comme infirmière à l’hôpital de Kiev pour apporter des soins aux volontaires blessés sur le front. C’est à partir de cette expérience qu’elle a voulu revenir avec un caméraman et recueillir des témoignages de blessés amputés qui tentent de se reconstruire.
Svitlana Smirnova voulait montrer trois civils qui s’étaient portés volontaires et qui représentaient trois générations différentes. "Le temps que mon directeur de la photographie soit disponible, l’une des personnes que je voulais filmer a fini par quitter l’hôpital, mais c’est à ce moment là que j’ai rencontré Oleksii. J’avais trouvé mon trio de personnages", se rappelle-t-elle.
Le tournage de We Are Soldiers a duré un mois, tous les jours. Parfois, Matthieu-David Cournot, le directeur de la photographie, devait tourner sans Svitlana Smirnova parce que la cinéaste avait en parallèle beaucoup de contraintes administratives à gérer. "Nous avions très peu de matériel : un appareil photo et un micro cravate. Nous sommes retournés dans l’hôpital, un an plus tard, pour enregistrer des ambiances sonores, nous n’avions pas eu le temps lors du tournage", précise-t-elle.
Aborder la thématique de l’ennui au cinéma est toujours difficile. Svitlana Smirnova explique : "Bien sûr que mes personnages doivent affronter l’ennui du quotidien d’une hospitalisation de longue durée. Cependant, ce n’est pas un film sur l’ennui, mais sur l’espoir, l’amour, sur la reconstruction aussi bien physique que mentale, sur l’engagement. La forme n’est pas contemplative, au contraire on est constamment au plus près des personnages."
Après le tournage, Svitlana Smirnova est restée en contact avec ces trois anciens soldats voulant se reconstruire. Elle raconte : "Anatolii se déplace grâce à ses prothèses. Il est hyper actif. Oleksii, même si sa jambe le fait encore souffrir par moment, a repris son métier de menuisier, j’ai d’ailleurs été une de ses premières clientes. Il travaille beaucoup pour l’armée. Dmytro va très bien, il a fait beaucoup de sport après sa rééducation. Il préfère toujours ne pas porter de short pour que les gens ne voient pas ses nombreuses cicatrices."
Svitlana Smirnova et le monteur Nicolas Desmaison ont d’abord dû faire traduire plus de 35 heures de rushes, grâce à l’aide précieuse d’Ukrainiens vivant en France. Puis le montage est allé très vite. "Nicolas a un sens du rythme et une oreille exceptionnelle, lui non plus ne parle pas ukrainien mais il devinait où couper à la virgule près. Nous avons bâti une sorte de chemin de fer sur le mur de la salle de montage, avec des post-it multicolores, pour trouver la structure principale. Chaque personnage avait sa propre couleur. Certains moments très intéressants n’ont pu être montés, mais c’est la dure loi du montage", se souvient la réalisatrice.
Oleksii Sokolovsky est mort en défendant la ville de Bakhmut en Ukraine en février 2023. Il était menuisier lorsque avant de s'engager en 2014, comme volontaire pour défendre la frontière ukrainienne. Il sera blessé et perdra l’usage de sa jambe droite, à la suite de l’explosion d’un obus alors qu’il essayait de défendre l’aéroport de Donetsk assailli par les séparatistes pro-russe. Depuis l'invasion à grande échelle de la Russie le 24 février 2022, Oleksii a décidé, malgré son handicap de retrourner au front et à nouveau défendre l'Ukraine. Oleksii Sokolovsky avait 43 ans, il avait deux enfants.