Le film a été présenté en compétition au Festival de Cannes 2022.
Un petit frère est né de l'étonnement de Léonor Serraille de "ne pas voir cette histoire-là portée au cinéma, alors qu’elle faisait autant partie de mon pays, de ma vie". Elle voulait également transmettre ce récit à ses enfants, en s'inspirant de l'histoire de leur père : "J’ai mis quelques mois à intégrer que ce serait très librement inspiré de son histoire et que ce serait mon film."
Après son premier long-métrage, Jeune femme, la réalisatrice voulait tourner un projet très différent et romanesque. Elle s'est penchée sur des interrogations qui l'habitaient à ce moment-là : "qu’est-ce que ça veut dire être une famille? Être une mère, un fils ? Venir d’ailleurs, et être français ?"
Quand elle a eu l'idée du film, la réalisatrice a consulté le père de ses enfants, dont l'histoire familiale a inspiré Un petit frère : "Je cherchais j’imagine une forme de « validation » de sa part mais il m’a répondu « ce qui compte c’est que tu racontes cette histoire à ta façon »". Elle revient sur la manière dont elle a retracé le parcours d’une famille franco-africaine, alors qu'elle-même n'est pas d’origine franco-africaine : "J’ai cherché à comprendre les personnages, à les laisser me gagner émotionnellement. Le cœur de l’écriture a été de les esquisser comme des individus singuliers et complexes, et c’est comme cela que j’aime être approchée, moi-même, dans la vie, comme une personne avec une pluralité d’aspects." Elle souligne : "Je pense que j’étais imprégnée de cette histoire d’une façon ou d’une autre. Je me serais sentie plus perdue si je m’étais intéressée à une famille de paysans français du 18ème siècle. Cette histoire me touchait profondément, j’y voyais une richesse de sujets la traversant."
En dépeignant une famille monoparentale portée par une mère qui appartient la catégorie des travailleuses de première ligne, Un petit frère est un film politique car "c’est toujours politique de montrer une femme seule menant sa vie, sur tous les fronts", souligne la réalisatrice. Pour autant, elle ne voulait pas faire un long-métrage qui affiche son propos de façon ostensible : "Je n’ai ni discours militant ni message dans le film. Comme spectatrice, j’y suis souvent réfractaire, ça me fait fuir."
Avec Un petit frère, Léonor Serraille voulait mettre en scène des héros "de l’intégration invisible et silencieuse dont parle si bien Stéphane Beaud dans La France des Belhoumi". Loin des représentations faites dans les médias, il s'agissait de montrer "la vie ordinaire des gens que je trouve extraordinaires" : "La plupart des gens ne se plaignent que très peu, ils travaillent ou espèrent travailler, ils s’aiment, ont des enfants ou pas, vivent du mieux qu’ils peuvent. Ils jouent le jeu, ils paient leurs impôts, mènent leur vie".
"La rencontre m’a marquée. Le rôle semblait très important pour elle et ça m’importait. Quand on n’est pas tout seul à choisir mais que le rôle semble être très attendu aussi en face, la discussion est riche, moins déséquilibrée", se souvient la réalisatrice au sujet de sa rencontre avec Annabelle Lengronne, qui incarne Rose.
Ahmed Sylla s'illustre dans un registre inhabituel, loin des comédies qui l'ont révélé. Léonor Serraille raconte : "Je crois qu’on était tous les deux surpris de travailler l’un avec l’autre. Et j’ai trouvé cela très réjouissant ! C’est quelqu’un d’une grande sensibilité, un acteur à la fois émotif et très technique, alors il s’est glissé dans le film avec beaucoup de finesse et de naturel. J’en ai été assez stupéfaite, je dois dire."