Poursuivant son observation sociologique des “invisibilisés” de la société française, Sébastien Lifshitz adopte cette fois une démarche un peu différente de celle qui prévalait dans le précédent ‘Adolescentes’, projet au long cours dont le documentariste ne pouvait savoir où il le mènerait. Ici, le temps long reste tout de même plus concentré et si Lifshitz reste fidèle à sa logique non-interventionniste, il est tout à fait évident qu’il a cette fois un point de vue clair à défendre. Biologiquement, Sasha, 8 ans, est un petit garçon. A l’intérieur, c’est une petite fille et elle le sait depuis son plus jeune âge. Sa famille a totalement intégré cette particularité, de même que certains camarades d’école. Il en va tout autrement de l’école elle-même, qui refuse que Sasha vienne en robe à l’école à moins de disposer d’un avis médical officiel, ou encore des cours de danse classique où elle ne peut faire partie du groupe des filles. Commence alors un parcours du combattant pour la famille, afin de conquérir ce droit pour l’enfant à être ce qu’il veut être, un parcours semé d’embûches, de rebuffades et de coups de blues, malgré le soutien du monde médical qui reconnaît l’existence de la dysphorie de genre. En questionnant les parents, épuisés et qui ne comprennent pas pourquoi quelque chose de simple devient administrativement si compliqué, et en filmant l’enfant qui, sans mettre de mots sur sa situation, comprend et souffre de ce dilemme entre son ressenti et la norme que la société semble attendre de lui, Sébastien Lifshitz dénonce la lenteur à la fois de l’acceptation sociale du phénomène et d’une reconnaissance officielle de situations de fait, validées par le corps médical, qui, le temps que la première se décide à rejoindre la seconde, auront charrié leur lot de souffrances individuelles.