Les films de Hong Sang-Soo représentent des choses triviales de la vie quotidienne, mais reposent sur une structure conceptuelle. Ici, une structure en 3 parties correspondant chacune à la visite du personnage principal à une ancienne amie. "À présent, et ce depuis quelques années, l’idée de la structure me vient plus tardivement, environ au deuxième ou au troisième jour de tournage. Pour ce film, j’ai commencé à travailler la matière - les personnes et les lieux que j’avais choisis - sans avoir à l’esprit une structure fixe. Mais je savais vaguement que chacun des trois lieux que j’avais choisis allait d’une manière ou d’une autre constituer un chapitre à part entière."
La Femme qui s’est enfuie est un film centré sur des femmes et les rapports qu’elles entretiennent entre elles. Les personnages masculins essaient à plusieurs reprises de s’immiscer dans le film mais échouent systématiquement. "Je ne sais pas si c’est un film féminin. J’ai taché d’être le plus fidèle possible à la matière dont je disposais. En faisant certains choix tels que ceux dont vous parlez, j’avais conscience que certaines personnes verraient les choses de cette manière. Mais j’ai décidé de ne pas trop m’en soucier car je savais que mes motivations étaient ailleurs", explique Hong Sang-Soo.
Le titre du film fait écho à l’histoire de la voisine qui a quitté son mari et sa fille pour aller vivre ailleurs. "J’aimais le titre sans savoir clairement pourquoi et c’est ainsi que, souvent, j’aime les titres. J’ai imaginé l’histoire de la voisine parce que je voulais entendre dans le film quelqu’un prononcer ces mots : « La femme qui s’est enfuie ». Mais peut-être que j’avais tout simplement le sentiment que tous les personnages féminins fuient quelque chose, quelque chose d’oppressant et de malaisant", analyse Hong Sang-Soo.
Il est beaucoup question d’animaux dans La Femme qui s’est enfuie. L’animal est à la fois métaphore du rapport entre l’homme et la femme (le coq et les poules), mais il pointe aussi les contradictions des personnages, par exemple sur les modes d’alimentation (la consommation de viande). "Les chats, par exemple, étaient déjà là avant notre arrivée. Quand j’ai visité ce lieu pour la première fois, nous avons mangé beaucoup de viande de boeuf grillée pour le déjeuner. Et les chats étaient là pendant que nous mangions sur la place de parking. Nous avons naturellement beaucoup parlé d’eux. Quand nous sommes revenus sur ce lieu pour le tournage, à la fin d’une journée de travail, nous avons à nouveau fait griller beaucoup de viande de boeuf. Et l’un d’entre eux s’est approché et s’est enfui avec l’un de nos steaks", se souvient Hong Sang-Soo.
Les conversations paraissent très naturelles et spontanées. Pourtant, tous les dialogues sont écrits au préalable par Hong Sang-Soo. "Je prépare les scènes de conversation toujours de la même manière. Je parle avec les acteurs et me familiarise avec les lieux pendant un mois ou moins et je décide de ce que sera le début du film environ deux jours avant le premier jour de tournage. Puis, le premier jour de tournage arrive, et le jour suivant je tourne dans la continuité de ce que j’ai tourné la veille. Quand je tourne, je me réveille vers 4 heures du matin, et j’écris pendant 4 à 6 heures les dialogues de la journée."
C’est la première fois que Hong Sang-Soo est crédité du montage au générique de l’un de ses films. "J’ai toujours monté mes films depuis le tout premier. Cette fois, j’ai appris juste assez pour être en mesure d’utiliser le logiciel de montage tout seul. C’était un peu différent, plus lent mais plus détendu, c’était bien."