Axelle Ropert a opté pour le mélo, un genre qui, selon elle, est aujourd'hui délaissé par le cinéma français. La cinéaste explique : "Moi, j’adore pleurer au cinéma, je dirais même que j’ai un sentiment de « reconnaissance » quand ça m’arrive, comme si le mélo nous faisait nous redécouvrir comme « êtres sensibles »... Alors je me suis lancée avec cette ambition : couche par couche, gratter la carapace adulte et mettre à nu la part démunie, fragile et enfantine qui reste en nous... Et faire un film aussi tendre que cruel, aussi vibrant que tenace dans sa façon de fouiller les blessures oubliées..."
Le divorce, raconté du point de vue de l’enfant, est un sujet tenant à coeur à Axelle Ropert. La réalisatrice fait en effet partie d’une génération, celle des enfants-adolescents des années 1980, où les parents ont divorcé en masse. Elle confie :
"Je fais partie de cette génération à qui cette vraie « rupture » est arrivée, rupture qui fait des histoires familiales très différentes de celles du modèle d’avant. Je suis une enfant de divorcés (même si Petite Solange n’est pas du tout autobiographique), et ça m’a passionnée de raconter cette histoire qui n’a quasiment pas été montrée au cinéma : quels effets produit le divorce sur un enfant... C’est un sujet dont la richesse me paraît méconnue, voire méprisée."
Axelle Ropert a choisi de ne jamais filmer frontalement et au premier plan les disputes entre les parents. Elle précise : "Cette violence est toujours, autant à l’image qu’au son, vue de façon latérale, à travers des miroirs, des seuils de portes... De même, tout est entendu de loin, par bribes. Cela correspond aussi au monde des enfants. Les enfants, quand ils sentent qu’il y a des drames qui arrivent, ils le comprennent en se comportant comme des petits espions, ils sont en alerte pour capter des informations qui leurs parviennent indirectement. Le monde devient chargé de signes qu’il faut interpréter."
Axelle Ropert voulait retrouver, chez la jeune actrice qui allait jouer Solange, les énergies à la fois irréductibles et mélancoliques qu'avaient Jean-Pierre Léaud dans Les Quatre cents coups et Charlotte Gainsbourg dans L'Effrontée. La cinéaste se souvient :
"C’était un casting compliqué, car le jeu dit « naturel » ne m’intéresse pas du tout, j’aime les acteurs qui jouent vraiment, qui font devant nos yeux éberlués des propositions, bonnes ou fausses, mais avec un côté « coup de dé ». Est-ce qu’une ado de 14 ans allait être capable de ça ?"
"Je ne raconterai pas trop comment nous avons choisi Jade, car c’est entre elle et nous, mais je peux juste dire qu’elle a « remporté » au final le rôle sur une épreuve de jeu musicale : chanter a capella Mon Amie la Rose de Françoise Hardy. Elle l’a fait, on n’a pas commenté et on lui a dit que c’était bon !"
La grande référence cinématographique de Petite Solange se trouve du côté des 400 coups de François Truffaut. "Ce n’est donc en rien l’univers merveilleux de Demy, mais plutôt l’âpreté paradoxalement rocambolesque du récit de Truffaut, celle d’un enfant livré à lui-même dans la grande ville, un personnage qui traverse le périmètre de son quartier comme il traverserait le monde entier", confie Axelle Ropert. L'autre film source de Petite Solange est L’Incompris de Luigi Comencini, dont on voit une affiche dans le film.
Petite Solange se déroule à Nantes, une ville qui, selon Axelle Ropert, donne de l’air à cette histoire très psychologique. La réalisatrice précise : "C’est une ville assez grande et moderne où l’on peut se réfugier de façon anonyme, se perdre, marcher seule, au milieu de la foule. C’est aussi un territoire d’ouverture grâce à la mer dont le paysage rend tout possible, tout dégagé. Petite Solange est une histoire qui respire, elle possède une part lumineuse, avec une mise en scène qui se déploie. Le monde extérieur y a sa part, il influence en permanence les destins."