La réalisatrice Joana Hadjithomas a elle-même entretenu une correspondance, entre 1982 et 1988, de 13 à 18 ans, avec une amie partie vivre en France durant la guerre civile libanaise. Elles s’envoyaient des paquets, avec des cahiers, des cassettes chaque mois, jusqu’à finalement se perdre de vue. 25 ans plus tard, elles se sont retrouvées et avaient conservé toutes leurs correspondances, qu’elles ont décidé d’échanger. « Avoir toute cette archive à ma portée, replonger dans ces écrits, ces souvenirs d’adolescence et de guerre, retrouver sur les cassettes une voix enfantine, la mienne, que je ne reconnaissais pas, a été une émotion très forte [...]. »
Les réalisateurs ne voulaient pas faire un documentaire sur l’adolescence de Joana Hadjithomas mais ils ont utilisé ses archives comme base de leur fiction. Khalil Joreige explique : « On a écrit ce film avec Gaëlle Macé et tous les trois, nous avons tout de suite voulu déplacer ces archives vers une fiction. Cela nous permettait de nous distancier par rapport à ce matériau et de nous sentir beaucoup plus libres. » Sa co-réalisatrice et compagne ajoute : « On voit dans le film mes vrais cahiers et les vraies photos de Khalil, mais on y a aussi mêlé d’autres écrits, d’autres photos pour servir l’histoire du film. »
« Dans Memory Box, on a cherché à transformer nos recherches artistiques et formelles en quelque chose de cinématographique et d’accessible, quelque chose de jouissif pour le spectateur », explique Joana Hadjithomas. Pour Khalil Joreige, ce film incarne la liberté mais aussi une certaine idée de l’artisanat : « On ne voulait pas que le film ait une esthétique « effets spéciaux ». On aime le côté artiste, chercheur. Et on souhaitait que cette recherche visuelle ouvre des perspectives émotionnelles fortes. »
Pour les besoins du film, l’équipe a réalisé 10 000 photos avec les acteurs à différents moments de leur vie, en travaillant le passage du temps et le changement de looks, et avec des formats très différents (8 mm, des films périmés des années 80, des archives papiers…). « C’était titanesque mais aussi extrêmement amusant et ludique et parfois mélancolique, cette plongée dans la jeunesse », affirme Joana Hadjithomas.
Le film s’achève sur une note positive, malgré la débâcle économique et la crise économique que traverse actuellement le Liban. Pour les réalisateurs, « c’est politique et vital d’être capable de ne pas finir un film de la région de manière dramatique même si la violence tragique et le chaos finissent par nous rattraper. » Ils précisent : « Dans notre profond désarroi, nous ne pouvons nous permettre le désespoir absolu, nous avons tant besoin de lumière. There will be light, promet la chanson à la fin du film... »