L’idée de Chut… ! est venue à Alain Guillon alors qu’il se rendait à un atelier de conversation à la bibliothèque de Montreuil où plusieurs personnes étrangères conversaient : « c’est là qu’est né le projet de ce film, dans cette Babel improbable. Je me suis dit qu’il se passait quelque chose à cet endroit, c’était comme un résumé du monde avec, en toile de fonds, comme une cartographie des conflits de la planète ». Il propose l’idée à Philippe Worms avec lequel il avait déjà travaillé. « On est parti juste sur une intuition ; l’intuition qu’il se fabrique quelque chose dans cet endroit, quelque chose d’invisible au regard pressé ou comptable, comme une sorte d’antidote de ce qui se passe au-dehors », raconte Worms.
L’équipe a tourné sur une année entière, de façon discontinue. Le film s’est construit au fur et à mesure du tournage, il n’y avait rien de défini au départ. « On avait des intuitions, des envies, mais après on attend de voir ce qui se passe devant la caméra. Il faut être très réactif. Et on est toujours surpris, remué, bouleversé parfois par ce qui se présente à nous », explique Philippe Worms.
Les bibliothèques sont le lieu où on lutte contre l’indignité, la transparence, l’invisibilité sociale, économique, culturelle et toutes les formes de discrimination. Philippe Worms y voit un parallèle avec le travail du cinéma documentaire car il s’agit de donner leur place à des individus, à leur histoire, à leur culture. «C’est un endroit où se fait un vrai travail de lien social, avec des tout petits riens, quelques mots. Mais c’est aussi le lieu où se pose une question importante : jusqu’où peut-on aller dans ce travail de lien social, pour accueillir la misère du monde ? Le film est traversé par cette question», confie-t-il.