A l'ombre des filles aurait pu être cette comédie dramatique typiquement aimable, qui fait l'unanimité en prônant un discours féministe, pro-différence, brossant un discours bienpensant qui ne fait de mal à personne, un fond sur lequel on est tous d'accord, mais dont la forme est un vrai gâchis. On suit donc pendant une heure trois-quarts un groupe de prisonnières qui montent une chorale pour chanter en fin d'année, sauf que : de groupe, on n'en a que le nom (on n'a jamais l'impression d'aucune progression de mentalité entre elles, elles sont toujours divisées plutôt qu'un vrai groupe...), d'évolution, on n'en effleure que la notion (elles finissent quasiment identiques à leur arrivée, la chorale ne leur a pas apporté grand-chose), de personnage, on n'en a que le portrait lisse (chaque scène qui commence à s'intéresser à un aspect particulier d'une prisonnière coupe aussitôt : celle qui s'y connaît en plantes, celle qui a un bébé... On attendait justement ce genre de scènes pour approfondir les personnages), de chorale, on n'en a pas (on assiste seulement à des exercices de chant, souvent pénibles auditivement), et si l'on espère voir un joli final avec une belle chanson... C'est la douche froide. Retour à la case départ, on termine carrément sur sa faim, en n'ayant jamais eu le morceau chanté promis, en n'ayant jamais avancé dans les personnages (
elles sabotent la chorale au profit d'une rébellion vaine et inutile... tout ça pour ça.
), et ayant surtout l'impression d'avoir perdu son temps. On ne sait pas trop non plus quoi penser de la scène douteuse où une chanteuse palpe l'entrejambe du coach en disant "Elles sont là, les filles.", si ce n'est qu'au mieux, on n'a rien compris (ne parlons pas du pire...). On regardera plutôt les autres films (déjà trop nombreux) de chorales triées sur le volet qui progressent ensemble, envers et contre les préjugés de chacun des participants (un scénario facile qu'on sature de voir encore et encore, mais on ignorait qu'il était possible de le rater, on l'apprend avec A l'ombre des filles). Alex Lutz heureusement est très bon (à son habitude), les actrices (novices pour la plupart) s'en tirent admirablement, et on aura essayé d'intéresser le public au sujet des prisons de femmes, ce qui sort de l'ordinaire. L'acteur et les actrices méritaient mieux que ce scénario simple et pourtant loupé dans la réalisation. On le parie, voici un film qui restera à l'ombre à perpétuité.