Prenez un artiste en pleine galère, placez-le dans un univers carcéral dont il ne connait évidemment pas les codes, faites lui donner des cours à des détenus plus ou moins revêches et préparer spectacle final qui à 50% de chance de mal tourner et vous obtenez un film qui ressemble sur le papier quand même beaucoup à « Un Triomphe ». Ici, on change le théâtre par le chant, Kad Merad par Alex Lutz, le chômage de l’un par la crise personnelle de l’autre, les détenus hommes par les détenues femmes et on obtient « A L’ombre des Filles ». Même si les intentions sont louables, on se retrouve devant un long métrage qui a quand même de grandes chances de tourner en rond au bout d’un moment. Ici, le scénario est assez linéaire, on donne des pistes par petites touches sur le drame qui a vu la vie de Luc basculer, un drame assez glauque, et qui pour le coup justifie assez bien son gros passage à vide. Pour le reste, on en saura rien du passé des femmes qui composent ses élèves (à part pour la détenue Catherine, au détour d’une phrase) mais on a bien compris que ce n’était pas le sujet. On ne saura pas grand-chose non plus de leur conditions de détention, de leurs conflits, de l’effet « cocotte-minute » que représente l’incarcération en maison centrale, là encore ce n’est pas le sujet. Le sujet, ce sont les cours de chants qui se succèdent, les exercices de respiration, les vocalises, les tessitures et toutes les petites choses qui font de tout temps les cours de chants. Ce n’est pas inintéressant, même pour une néophyte comme moi, mais force est de constater que ça tourne un peu en rond au bout d’un moment. Je ne peux pas trop juger de la crédibilité du propos, du coup, j’ai juste été surprise par la scène ou Luc grille une cigarette, je pensais naïvement que c’était carrément incompatible avec le chant lyrique. Sinon, pour le reste, la réalisation d’Etienne Comar fait le job, il s’autorise deux-trois jolis plans ou jolis effets de caméra, il a le bon gout de ne pas laisser s’éterniser les scènes de violence (verbales ou physique), il opte pour une bande originale minimaliste. C’est assez logique puisqu’il faut laisser les filles chanter sans ajouter de la musique à la musique. Il y a juste un truc qui me chiffonne dans sa réalisation. C’est un petit détail mais ce n’est pas la première fois que je remarque cela : le film est présenté au format 4/3, du coup, la moitié de l’écran est composé de bandes noires à gauche et à droite : on a l’impression de regarder un vieux téléviseur ! S’il y a un intérêt artistique à la chose j’aimerais bien qu’on explique lequel et pourquoi les cinémas s’embêtent a avoir de magnifiques grands écrans ! Je n’ai pas encore parlé du casting et en premier lieu évidement de l’épatant Alex Lutz dont je suis décidément de plus en plus fan. Il fait passer, grâce à ce rôle, toute la palette des émotions dont il est capable. Autour de lui il y a Agnès Jaoui, elle très silencieuse alors que tout le monde sait que c’est elle qui chante le mieux de tout le casting, mais c’est probablement voulu. Elle incarne très bien une femme fermée, hostile, dont la violence à fleur de peau vient probablement d’un passé terrible. Hafsia Hersi donne corps à une jeune femme abrutie par les antis dépresseurs, très en souffrance visiblement et qui s’ouvre (un tout petit peu) grâce au chant. Veerle Baetens, Marie Berto, Fatima Berria et Anna Natger compose le reste de la petite troupe, elles ont des rôles qui correspondent un petit peu à des archétypes de détenues (la révoltée, la détenue âgée qui a assimilée qu’elle ne sortirait pas, l’étrangère qui parle mal le français, la paumée qui paye les crimes de son mec,…). Même si leurs rôles sont un peu dessinés à grands traits, elles font le job. « A l’Ombre des Filles » n’est pas un mauvais film, c’est un film qui évoque les prisons pour femmes ce qui est déjà original et bienvenu en soit, mais c’est un film qui tourne un peu à vide qui cède un petit peu à la facilité par moment. Il ne laissera malheureusement pas un souvenir durable, en dépit de ses très bonnes intentions.