Le premier long métrage de Mathieu Turi, Hostile, était aussi une sorte de survival centré sur un personnage féminin. Plus précisément, Méandre est né en lien avec une scène d'Aliens le retour de James Cameron, qui a toujours terrifié le réalisateur : celle dans laquelle un personnage doit passer par un tube très étroit, sans pouvoir relever la tête. Il précise : "En réfléchissant à ce concept, j’ai eu envie de renverser le principe du huis clos traditionnel, où les personnages sont coincés et statiques : dans Méandre, la protagoniste doit avancer, progresser tout le temps. Et en repensant à la scène d’Aliens, j’ai ajouté la position couchée aux contraintes pesant sur Lisa car elle est très anxiogène. Je voulais que le film soit viscéral."
Au départ, on ne sait presque rien de la protagoniste, si ce n’est qu’elle est française et qu’elle cherche à retourner auprès de sa fille. Mathieu Turi explique : "J’ai vraiment essayé d’évoquer la Sarah Connor du premier Terminator, en glissant même un petit clin d’œil puisqu’elle est serveuse comme l’héroïne du film de Cameron. Au-delà du thème de la maternité et du deuil, je voulais que cette jeune femme puisse être n’importe qui, au moins sur le papier. En réalité, Lisa est au fond du trou, en plein travail de deuil, et elle va être contrainte de se battre, sans se rendre compte qu’elle a cet instinct animal en elle pour y arriver."
Mathieu Turi voulait que la créature biomécanique, qui fait basculer le film vers la SF, soit réalisée en animatronique, avec un côté bricolé, et non conçue en 3D en post-production : "C’est ce qui lui donne un cachet visuel et un aspect tangible. Je me disais que ceux qui ont enfermé Lisa dans le tube ont conçu cette créature pour communiquer avec elle. Le langage et la communication m’ont toujours fasciné ! On a élaboré pas mal de concepts et, très vite, j’ai intégré un côté humain à la créature : elle a un visage doté d’une mâchoire et évoque une chimère, mélange d’organique et de mécanique. On s’est rapproché du travail de Giger pour Alien, sauf qu’ici la créature intervient pour soulager, nourrir, et soigner Lisa."
Mathieu Turi était à la recherche d'une comédienne qui parle anglais et qui rayonne à l’international : "Et comme Gaïa joue dans la série Vikings, c’était un point positif pour nous. Elle est arrivée très tard sur le projet, et nous allions décaler le tournage. Mais elle a alors soumis une idée : elle souhaitait qu’on utilise son absence de préparation : Lisa n’est pas une guerrière, mais s’aguerrit peu à peu et devient de plus en plus coriace, tout comme Gaïa ! Même la façon dont elle se déplace évolue : elle apprend peu à peu car le tube devient son outil. Gaïa tenait vraiment à s’en servir. On a donc gardé nos dates de tournage pour le bien du film. Gaïa a voulu faire presque tous ses mouvements et on a eu très peu recours à sa doublure."
Gaia Weiss a effectué une petite remise en forme en amont du tournage et avait un kiné sur place. Mathieu Turi se souvient : "C’était la dernière à partir du plateau : après la douche, elle voyait le kiné pour tenir jusqu’au bout. Car pour tenir en position couchée, il fallait qu’elle prenne du muscle. Elle passait son temps à faire du gainage et de la course sur les genoux ou les coudes. Et c’était plus physique encore que ce qu’elle pensait – et sans répit puisqu’elle devait malgré tout jouer en même temps."
Mathieu Turi, le directeur de la photographie Alain Duplantier et le chef décorateur Thierry Jaulin se sont rendu compte qu’en choisissant de n’éclairer le tube qu’avec le bracelet de Lisa, ils perdaient tous les détails de la matière. Pour y remédier, l’équipe de décoration a conçu une sorte d’aluminium brossé, pressé à la main, avec de petites nervures. "Il fallait que le résultat soit suffisamment solide et qu’il accroche la lumière. On tenait à tout réaliser physiquement, y compris les plans immergés et les plans feu. On a d’ailleurs entièrement brûlé le décor et c’était un moment assez cathartique et festif : on était sur le parking du studio, de nuit, pour tout brûler en toute sécurité !"
Au total, il y a 150 plans d’effets visuels et beaucoup d’effacements dans Méandre, notamment pour gommer les jonctions ou défauts de décor. Mathieu Turi et son équipe se sont servis des VFX pour quelques plans d’interaction avec le feu et pour le plan de la fin avec le panorama en 3D. "Pour le monstre, comme sur Hostile, on a remplacé les yeux du comédien par des yeux crevés. En revanche, pour l’homme au bras coupé, on a engagé un comédien à qui il manquait vraiment un bras : je tenais à ce qu’il ait des mouvements plus naturels puisqu’il est habitué à se déplacer avec un bras coupé."
Mathieu Turi avait pour références principales les jeux vidéos. Le réalisateur confie : "Je suis un gros gamer, et j’avais eu la chance sur Hostile de rencontrer Hideo Kojima (Death Stranding). Je me suis pas mal inspiré des thématiques du jeu vidéo : franchir des épreuves pour atteindre un but. Côté structure, Gravity, où une femme doit survivre tout en faisant le deuil d’un enfant, m’a nourri. Je suis aussi un grand fan de science-fiction – James Cameron, John Carpenter, Steven Spielberg – mais j’aime aussi un cinéma plus émotionnel comme Braveheart ou Titanic. Méandre est donc le fruit d’inspirations très diverses."
Le monteur Gurwal Coïc-Gallas envisageait une évolution sonore dans Méandre. Il a réfléchi à la spatialisation des sons pour immerger totalement le spectateur. Mathieu Turi raconte : "On a d’abord nettoyé tous les sons, puis on les a refaits à 90% car on tournait dans un tube en bois et qu’ils étaient inexploitables ! Tous les frottements du bracelet, des vêtements, les respirations de Gaïa, les cris de monstre, et tout ce qui paraît naturel a été recréé. À travers la matière sonore, Gurwal voulait raconter ce qui se passe à l’extérieur du tube. De même, Dominique Gaboriau, le mixeur, dont le travail sur Le Scaphandre et le papillon m’avait marqué, voulait que les réverb sur le tube évoluent et participent à la narration."
Le tube de Méandre est également une métaphore de la vie : la jeune femme avance à plat ventre, fait des choix et doit survivre en franchissant des obstacles. Mathieu Turi développe : "S’il représente la vie, il représente aussi la mort. En effet, la lumière au bout du tunnel, le rite du passage et la vie qui défile devant les yeux sont des thèmes abordés à la fois frontalement et psychologiquement. Enfin, le thème de la (re)naissance est ici central. Cette mère en deuil se met à revivre littéralement le moment où l’on vient au monde. En tant que décor, le tube est un défi , un véritable challenge, car il est à la fois simple et complexe. On doit garder cette idée de claustrophobie permanente tout en faisant du tube un lieu unique et terrifiant... Mais surtout quelque chose de jamais-vu."