Le serviteur de Dracula en pleine crise existentielle face à la relation toxique qu'il entretient avec son maître aux dents longues joué par Nicolas Cage ? Une idée pareille ne se refuse évidemment pas ! D'autant plus que "Renfield" la concrétise littéralement dès son ouverture en plaçant son malheureux héros au sein d'un groupe de soutien aux victimes de codépendance, tout en nous racontant en voix-off le parcours de ce "familier" aux côtés du plus célèbre des vampires.
Entre une relecture de la cinématographie du classique de 1931 où Nicolas Cage s'éclate à singer les expressions de Bela Lugosi (avec quelques autres clins d'oeil) et les ressorts modernes de la thérapie voyant Renfield assimiler ses tourments à des maux bien humains, le long-métrage de Chris McKay ("The Tomorrow War") démarre sur les chapeaux de roue pour démontrer la force de son concept et l'installer tout aussi rapidement dans le contexte d'un récit qui, lui, va avoir un peu plus de mal à le soutenir sur la durée.
En soi, le duo Dracula/Renfield et tout ce qui constitue les affres de leur lien abusif ne seront jamais vraiment à remettre en cause, le film va très souvent nous amuser sur ce point, plaçant Renfield devant ses contradictions lors d'une convalescence de son maître affaibli à la Nouvelle-Orléans et en vue d'initier un processus de prise de conscience qui l'amènera à un moment ou à un autre à se confronter à lui-même puis aux crocs dominants.
À chaque fois que "Renfield" jouera frontalement sur le terrain de la relation toxique absurde entre ces deux êtres imaginaires catapultés dans la rationalité de notre réalité, il atteindra le meilleur de ses intentions, aussi bien en termes d'échanges décalés entre les personnages de Nicholas Hoult et Nicolas Cage (ce tandem se renvoie la balle avec une jubilation communicative) que dans la montée en puissance de leur inévitable point de rupture et de ses conséquences susceptibles d'engendrer une mare de sang pour tout ceux qui s'y retrouvent mêlés (de ce point de vue, on sera servi !).
Mais, dans le rythme effréné de la réalisation de Chris McKay qui, entre deux achats de néons aux couleurs fluos vomitives, a pris le parti de tomber dans la plus pure frénésie cocaïnée pour garder l'attention du spectateur (il faut que quelque chose se passe à l'écran, sans arrêt !), ces éléments, aussi efficaces soient-ils pour nous faire sourire, laisseront l'impression de ne pas être utilisés à leur juste mesure, comme stoppés dans leur élan par un potentiel comique échoué au milieu d'une intrigue rudimentaire, clichée, à base de mafieux et de flics corrompus (et de relations abusives faiblardes cherchant à faire miroir à la principale) ayant, en plus, la mauvaise idée de prendre le pas sur tout le reste au fur et à mesure du film.
Non pas que l'alchimie entre Nicholas Hoult et Awkwafina ou les massacres jouissifs, gores et bien fichus en termes de FX qui en résultent n'emportent pas notre adhésion -"Renfield" fera quand même de vrais efforts pour masquer ses carences grâce à des fulgurances d'humour et de violence- mais la force de son concept nous ayant tant séduit au départ sera au final expédiée à tout vitesse dans des enjeux et des personnages satellites qui ne la méritent clairement pas, rendant l'ensemble instantanément oubliable et très similaire à d'autres productions vampiriques récentes déjà plus ou moins effacées des mémoires, notamment celles proposées par Netflix ("Day Shift", "Night Teeth", ...) auxquelles le rendu global de ce "Renfield" s'apparente fortement malgré ses pics de carnages plus poussés.
Sur un terrain de jeu pas à la hauteur de la récréation qu'il entend proposer, le long-métrage de Chris McKay a donc peu de chances de s'imposer comme un must de la comédie vampirique mais, si vous êtes en quête d'un émissaire honorable en la matière, et qui sait (parfois) montrer ses canines sanglantes avec l'aide d'un Nicolas Cage visiblement tout heureux d'incarner enfin la figure de Dracula, "Renfield" saura se mettre à votre service le temps de son visionnage, pas plus.