On reste sur sa… soif
Souvenez-vous, c’était il y a 10 ans, le mauritanien Abderrahmane Sissako raflait tout sur son passage – avec entre autres 7 César -, pour sa merveille intitulée Timbuktu. Entre les deux, rien ! Il revient avec cette romance dramatique de 110 minutes plus ennuyeuses que convaincantes. Aya, une jeune femme ivoirienne d’une trentaine d’années, dit non le jour de son mariage, à la stupeur générale. Émigrée en Chine, elle travaille dans une boutique d'export de thé avec Cai, un Chinois de 45 ans. Aya et Cai tombent amoureux mais leur histoire survivra-t-elle aux tumultes de leurs passés et aux préjugés ? Bien sûr, les intentions sont louables : choc des cultures, racisme latent, un raffinement de chaque instant, une douceur envahissante… mais quel ennui, avec une histoire hors-sol, un univers comme aseptisé, des personnages frappés par l’apathie – qui, ici, vient en buvant du thé et non pas en mangeant -, générale qui baigne tout ce film décevant.
J’attendais sans doute trop du nouveau Sissako. 10 ans pour mûrir cette histoire, on était en droit de se dire, on court sinon au chef d’œuvre au moins au très bon film. Et puis, flop ! Même si, esthétiquement, ce film est une splendeur, la romance manque de chair, les sentiments, à force d’être feutrés- c’est une litote -, sont presque totalement gommés. La forme efface le fond, au point de le faire disparaître. Et quand il n’y a plus de fond… c’est le vide. Le cinéaste avoue une envie de raconter la possibilité d’un monde en mouvement vers une harmonie. On a l’harmonie, mais on se demande où est le mouvement. Onirisme, quand tu nous tiens.
Rien n’y fait. Nina Melo, charmante, Han Chang, tout en charisme rentré, Wu Ke-Xi, Michael Chang et les autres semblent s’ennuyer ferme, en tout cas presque autant que le spectateur que je suis. De suggestions en malentendus et en ellipses, on n’est pas très sûr d’avoir compris quoi que ce soit à cette romance dans les théiers, fuligineuse à souhait et soutenue par des dialogues niais à force de se vouloir poétiques. De ce breuvage et de son cérémonial, on retient plus l’amertume que la douceur d’aimer. Cette nouvelle version de « Canton n’a que l’amour » ne fonctionne pas.