C'est en écrivant un autre scénario que Nadège Loiseau a eu, le temps d'une nuit, l'idée de ces trois SDF gagnant au loto. Toutefois, la cinéaste porte en elle depuis longtemps le sujet des sans-abris : "En arrivant à Paris, il y a une vingtaine d’années, j’ai été, comme tout le monde malheureusement, confrontée à la banalité de la situation."
"Ayant vécu quelques années à Charenton, j’ai croisé des SDF qui vivaient dans le bois de Vincennes dans leur campement de fortune. À force de les croiser tous les jours, j’ai fait connaissance avec eux. Ils ont été ma référence pour nourrir les personnages de ce film. Ce film, je le leur dois sûrement, alors que je ne connais même pas leurs prénoms."
Nadège Loiseau a voulu traiter de la précarité en racontant cette histoire d’amitié entre trois marginaux, tout en faisant naître des émotions. Elle précise : "L’aspect humain du film, c’est tout son enjeu. D’autant plus que nous sommes sur le terrain de la comédie. Je trouve important que la comédie s’empare de sujets durs, reliés à notre quotidien, et qu’elle fasse rire malgré la gravité des situations évoquées."
Antoine Bertrand, Côme Levin et Philippe Rebbot avaient déjà tourné sous la direction de Nadège Loiseau dans Le Petit locataire : "Je les aimais tellement que je cherchais un moyen de les retrouver. Et c’est tombé sous le sens. J’ai construit cette histoire pour eux, pour les amener à des endroits où je les savais brillants et demandeurs."
Avec Trois fois rien, Nadège Loiseau dirige un chien au prénom pour le moins singulier puisqu'il s'appelle... Connard ! La cinéaste se remémore : "Les dresseurs ont été épatants. Ils ont suivi le scénario à la lettre. Ce chien est le quatrième personnage du film, et celui-ci était un chien de compète ! Max (son vrai nom) était très précis, et un brin psychorigide ! Car, si à la prise, on ne tournait pas exactement la même chose qu’à la répétition, il s’arrêtait net ! Il ne s’agissait donc pas d’improviser avec lui."
Concevoir la cabane des personnages de Casquette et Brindille a demandé un gros travail de recherche de la part du chef décorateur Pierre Du Boisberranger. Nadège Loiseau voulait qu’elle soit réaliste et onirique à la fois, car elle a été conçue par Casquette, un individu doté d’un vrai sens poétique. La réalisatrice se rappelle :
"C’était un décor riche, où rien n’était laissé au hasard. Quant à leur appartement, je souhaitais qu’il se situe dans un grand bloc, comme s’ils passaient du plein air à un cube niché au cœur de la société. Cet appartement devait être aussi dépouillé que la cabane était pleine. Casquette passait ainsi de l’accumulation au presque vide."
Après Le Petit locataire qu'elle considère comme un film très ensoleillé, Nadège Loiseau a opté pour une palette plus sobre avec Trois fois rien. "Je ne voulais pas qu’on ait l’impression que mes personnages soient déguisés. Hormis Vénus, qui porte des couleurs flashy, celles du film en général sont plutôt sobres et la teinte dominante tire vers le bleu. Avec ma costumière, Anne-Laure Nicolas, on a pris soin de dessiner des personnages crédibles et pourtant très singuliers. Ce sont des personnages de BD", confie-t-elle.
Guillaume Loiseau, le mari de Nadège Loiseau, a signé la bande originale de Trois fois rien. Leur ligne directrice pour la composition de cette bande-originale était... La fanfare ! La cinéaste développe : "C’est le mot que j’ai transmis à Guillaume, avec quelques musiques que j’avais dans les oreilles en écrivant, pour qu’il ait mes références. Je voulais que ça ait du souffle, du corps et quelque chose de déjanté. Il m’a fait écouter ses morceaux au fur et à mesure de leur création et c’est au montage que j’ai pu ajuster leur adéquation aux images. Dans l’ensemble, il y a peu de musique, mais quand elle jaillit, elle est saillante."