Hinterland se situe après la fin de la Première Guerre mondiale, à une époque où rien n'est plus comme avant et où on ignore quelles lois s'appliquent encore. Avant ce film, le réalisateur Stefan Ruzowitzky avait travaillé sur un projet qui se déroulait à cette même époque mais qui n'avait pas abouti. Il s'était lancé dans des recherches et avait été marqué par ses lectures du début des années 1920 et de l’entre-deux guerres : "j’ai été frappé par le fait que le choc culturel après la Première Guerre mondiale a été beaucoup plus important qu’après la Seconde Guerre mondiale, non seulement en Autriche mais dans toute l’Europe. Le débat sur l’Holocauste est resté longtemps tabou et n’a été au centre de l’attention que bien plus tard. Après la Première Guerre mondiale, tout avait été déséquilibré. Les gens avaient vraiment l’impression que quelque chose s’était achevé et que quelque chose de complètement nouveau commençait, contrairement à ce qui s’est passé dans les années 1950, où l’on s’efforçait beaucoup plus de maintenir la paix et la tranquillité qui avaient été établies grâce à un tel effort."
Hinterland est à la croisée entre le film historique et le thriller horrifique. Parvenir à un équilibre entre ces deux tonalités a demandé de nombreuses années de travail entre Stefan Ruzowitzky et ses co-scénaristes Hanno Pinter et Robert Buchschwenter. Ruzowitzky avait lu le scénario du film 10-12 ans plus tôt, dans le cadre du Forum du scénario de Vienne, qui avait un programme où les jeunes auteurs pouvaient demander à des collègues expérimentés de discuter de leurs scénarios. C'est là qu'il a rencontré Hanno Pinter : "ma première impression du scénario était très mitigée : à certains endroits, je le trouvais incroyablement bon, mais à d’autres, il n’était pas abouti. Hanno a appris l’écriture de scénario en autodidacte et a enfreint de nombreuses règles tacites, ce qui a donné lieu à des solutions extraordinaires, mais a aussi montré l’importance de l’existence de ces règles". Des années plus tard, le scénario est revenu sur son bureau. S'il avait progressé, il nécessitait encore selon lui d'importantes révisions, qu'il a apportées avec Buchschwenter. Ruzowitzky conclut : "Mais c’est à Hanno Pinter que revient le mérite d’avoir imaginé l’histoire ; les éléments de base - le contexte historique et la motivation du tueur en série - étaient bien présents dès le début."
Le réalisateur a voulu aborder la masculinité toxique à travers des hommes de retour d'une guerre qu'ils ont perdue : "Les hommes de Hinterland, qui reviennent d’un camp de prisonniers de guerre plusieurs années après sa fin, sont partis en tant que représentants d’un immense empire. Lorsqu’ils sont revenus dans cet état nain, ils étaient âgés, handicapés, physiquement et mentalement blessés. Ils ont souffert de tout ce qu’un homme ayant un concept traditionnel de la masculinité craindrait le plus."
Hinterland a été conçu comme un hommage à l'expressionnisme allemand, courant artistique né au début des années 1920, qui se caractérise par une déformation de la réalité (notamment à travers des décors aux lignes tordues) et une ambiance sombre et pessimiste. Au cinéma, des oeuvres comme Le Cabinet du docteur Caligari, Nosferatu et Metropolis, entre autres, sont des films phares de ce mouvement. Pour restituer la perte de repères de ses personnages, Stefan Ruzowitzky s'est inspiré de l'expressionnisme et décrit même son film comme une version numérique du Cabinet du docteur Caligari.
Les films expressionnistes allemands étaient filmés en studio, avec des décors artificiels, aux formes géométriques et aux lignes tordues. Pour Hinterland, Stefan Ruzowitzky a choisi de se passer de décors, trop coûteux, et de filmer l'intégralité du film sur un fond bleu, puis de recréer les décors en numérique. Il détaille : "Pour ce qui est de la technique en elle-même, le premier à créditer est Oliver Neumann qui a développé le concept initial et produit le film. Oleg Prodeus, le directeur artistique numérique, a créé des dessins basés sur des photographies historiques et d’autres qu’il a prises lui-même. Comme il s’agissait de mondes impossibles où les perspectives n’étaient pas correctes, nous avons d’abord filmé avec les acteurs, en leur laissant toute liberté de jeu, puis nous avons adapté ces mondes déformés à ce que nous avions filmé."
Stefan Ruzowitzky a adopté une approche expérimentale pour son film : "Il y a beaucoup de films grand public où l’on utilise beaucoup de VFX, mais tout cela dissimule l’aspect artificiel - alors que chez nous, l’objectif que nous nous étions fixé était de rendre compte du contexte historique au moyen de la stylisation. Nous voulions aussi montrer que la technologie n’est pas seulement intéressante pour les super-héros : on peut aussi obtenir de grands résultats narratifs avec les effets visuels si on s’y met vraiment."