Le film fait partie de la Sélection Semaine de la Critique Cannes 2020.
De l’or pour les chiens s’ouvre sur une longue scène de sexe. Une façon pour la réalisatrice de prendre le contre-pied du coming of age movie en retirant progressivement la sexualité du parcours de son héroïne. Anna Cazenave Cambet regrette en effet que le cinéma tarde à déconstruire la culture hétéro-normative, où la sexualité semble être le seul moyen pour une fille de se libérer : « Esther est d’une génération qui a eu accès à des images pornographiques très tôt, elle sait depuis longtemps ce qu’est une sodomie ou un gang bang. L’enjeu pour elle n’est pas là. Cette première scène d’ouverture était donc une façon d’hameçonner le spectateur pour l’emmener au-delà des signes extérieurs de la jeune et jolie fille sexualisée ».
Anna Cazenave Cambet qualifie son héroïne de « vierge païenne » : « Son amour relève presque de l’ordre du conte, elle pourrait donner de l’amour éternellement, à tout le monde... Je le dis avec une grande tendresse. C’est le monde qui est mal foutu autour d’elle, ce n’est pas elle ! Elle est trop pure, trop entière, presque naïve, incapable de ruser. Elle arrive vierge en face de chaque personne qu’elle croise ».
La réalisatrice revient sur son choix de tourner en scope : « Le scope s’est imposé parce que l’espace vient témoigner de l’état du personnage à chaque étape de son parcours. Et aussi parce que le paysage du Sud-Ouest où débute le film me fascine. C’est là où j’ai grandi, j’ai un plaisir inouï à le filmer. »
Anna Cazenave Cambet désirait depuis longtemps écrire sur un groupe de femmes, et de moniales en particulier : « Mettre en scène cet ensemble de cellules, coupées de l’extérieur, avec tout ce que cela implique de fétichisme visuel… Ces femmes en uniforme, réduites à des visages dans des ronds, permettaient un travail sur l’image quasi-constructiviste ! » La réalisatrice a séjourné pendant une semaine dans un monastère de femmes à Port Royal, où il suffit d’envoyer un mail pour être hébergé gratuitement. Elle se souvient : « je suis passée par plein d’états. J’ai parfois eu l’impression de devenir folle, que les sœurs ne me laisseraient plus ressortir ! Mais j’ai aussi connu des moments où j’ai ressenti une sécurité, et surtout un apaisement comme jamais dans ma vie. Une fois que l’on a fait le choix d’entrer au monastère pour ne plus jamais en sortir, on n’a plus aucun souci puisqu’il ne se passe plus rien, qu’il n’y a plus d’agitation intellectuelle, plus de rapport aux autres, d’histoires d’amour compliquées, de bruits de la ville, de soucis d’argent… »
Tallulah Cassavetti fait ses premiers pas à l’écran dans le rôle d’Esther. Elle ne correspondait pas aux attentes de la réalisatrice qui la trouvait trop citadine. Mais Anna Cazenave Cambet a été séduite par son audition durant laquelle elle devait danser sur un morceau qu’elle avait choisi. Elle portait une nuisette trop petite, un pantalon et de grosses baskets bleu fluo : « elle a mis une chanson disco d’un autre siècle et s’est mise à danser devant moi avec des gestes hyper berlinois ! Je ne comprenais rien à ce qu’elle faisait, mais c’était d’une puissance… Elle aurait pu piétiner le monde entier, elle dégageait une invulnérabilité extrêmement séduisante. Et joyeuse. Ce n’était pas l’Esther que j’avais imaginée mais en fait, c’était la bonne Esther ! »
La cinéaste dévoile la signification du titre de son film : « Il m’est venu très vite, sans trop savoir pourquoi, hormis que j’adore les insultes du genre : fils de chien, chien de la casse… Cette idée que l’animal totem de la domestication, de la famille, des choses à leur place, désigne aussi ce qu’il y a de plus bas est très éclairant sur la nature humaine… Et l’or, c’est Esther, le soleil, ses cheveux… J’aimais aussi que ce titre soit un peu long, pas si efficace. Et puis qu’on s’interroge dessus ».