Mitigé.
Du Guiraudie qui se veut léger en abordant son récit sous le signe de la comédie.
Il faut le dire vite, ce n’est pas parce qu’il y a quelques séquences qui prêtent à sourire que c’est une comédie.
Guiraudie se veut léger avec des propos qui relèvent de la conversation de comptoir.
Certes, il a raison, il ne faut pas mettre dans le même panier les arabes avec les djihadistes ou les radicaux musulmans ; certes, la prostitution est un noble métier, les femmes qui la pratiquent sont aussi des femmes recommandables.
Mais tous ça c’est convenu, c’est presque enfoncer des portes ouvertes.
Avec des convaincus comme moi, il prêche dans le désert.
Toutefois il est bon de le rappeler pour les esprits obtus.
A vouloir combattre les clichés, son film coche toutes les cases des clichés.
C'est sans doute pour dénoncer justement... les clichés !
Guiraudie m’a habitué à mieux en terme de propos tenus et soutenus.
Seulement, s’il veut que son discours sur les arabes, la xénophobie, le vivre ensemble soit bien gobé par le spectateur, quid de la violence faite aux femmes ?
Je croyais Guiraudie tolérant et grand combattant de toutes les causes.
Les propos tenus par le mari d’Isadora prêtent à l’indignation.
Evidemment, ce n’est pas Guiraudie qui parle, c’est le mari ! C’est un personnage qui ne s'embarrasse pas de scrupules, il est violent parce qu’il aime sa femme, voilà sa justification.
En retour Médéric ne semble pas convaincu ; et là c’est du Guiraudie qui s’exprime et me voilà rassuré.
Mais est-ce pour jouer l’apaisement ?
Après tout, Jean Guiraudie a le droit de brosser des personnages qui ne correspondent pas toujours à un esprit #MeToo. Et tant mieux.
Seulement, ce qui vaut pour la xénophobie vaut pour la violence faite aux femmes.
Ça partait bien avec la rencontre Médéric - Isadora, le récit semblait s’amuser avec l’absurdité mais très vite le film s’installe dans du conventionnel avec un message social assez primaire.
La situation de Selim (Iliès Kadri), sdf, est assez prévisible. Seule la scène du cauchemar de Médéric qu’il provoque en dormant chez ce dernier traduit l’angoisse que peut ressentir toute personne lambda qui aurait tendance à tout amalgamer.
Voilà pourquoi je trouve ce « Viens, je t’emmène» un peu timide, paresseux avec des propos passe-partout. Comme à l’image de Médéric (Jean Charles Clichet), ça manque un peu de relief.
Quant à Doria Tillier, (que apprécie beaucoup) je me pose encore la question de sa présence.
Elle travaille, c’est l’essentiel…
Je salue la prestation courageuse de Noémie Lvovski (Isadora) qui se met nue. Il me semble que c’est la première fois que je la vois jouer nue. A travers elle, je salue Jean Guiraudie qui sait mettre en valeur des corps nus qui correspondent à une réalité.
Des corps fatigués, des corps qui ne correspondent pas à des critères de minceur, de jeune âge.
Des corps vrais qui ne sont pas retapés par photoshop.