M. Petrov a la fièvre. Une mauvaise grippe sans doute. Et même une très mauvaise grippe, vu ce qui va suivre. Déjà qu’il n’a pas une vie bien gaie, ce M. Petrov, lui qui vit dans la grisaille, la boue et les vapeurs d’alcool. Pas seulement les vapeurs d’ailleurs, il doit aussi téter assez fort le goulot. Mais aussi terne que soit son existence, elle semble néanmoins plus gaie que ses rêves : il s’imagine en effet être invité à descendre du bus pour aller exécuter d’une rafale de mitraillette une poignée d’individus raflés et alignés contre un mur. La fièvre de ce M. Petrov doit être contagieuse puisque sa Petrova, bibliothécaire un peu revêche, s’imagine à son tour trucider son gamin (merci monsieur le réalisateur pour l’image de cet égorgement en gros plan avec flots d‘hémoglobine à volonté), puis plus tard assassiner son Petrov de plusieurs coups de couteaux assénés avec entrain, sur un fond musical d’accordéon de plus en plus dissonant. Entre temps, nous aurons pu assister au suicide d’un écrivain raté qui, après s’être livré en toute quiétude aux préparatifs adéquats et avoir discuté le bout de gras littéraire avec un quidam rencontré sur le pas de sa porte, quidam qu’il a invité sur le champ aux agapes, s’allonge tranquillement sur le lit, échange deux-trois banalités avec son interlocuteur, place le canon de son arme dans sa bouche, puis appuie sur la gâchette comme il aurait tiré ailleurs la chasse d’eau, ce qui a pour conséquence (outre le fait de réveiller le spectateur qui commençait à somnoler) de mettre un peu de couleur dans le film, en projetant des morceaux de cervelle sur le mur attenant. Mais attention, Monsieur le réalisateur a ses pudeurs, il ne nous montre pas tout : un moment, Petrov et sa Petrova ont une envie soudaine de copuler en plein milieu de la bibliothèque. Qu’à cela ne tienne, nous verrons les vêtements voler, un ou deux tibias se dénuder mais cela n’ira pas plus loin ! Ce n’est pas un film de cul, enfin quoi, m… !
Ce film est d’une effroyable nullité, tout y est glauque, tout y est moche, tout sent horriblement mauvais. Serebrennikov, le réalisateur, ne dénonce rien, il se complaît dans cette fange dans laquelle il nous plonge en nous forçant à boire le calice jusqu’à la lie. Aucune empathie pour les personnages bien sûr et un doute, plus que prégnant, sur la santé mentale des auteurs de ce film (et des quelques critiques professionnelles qui l’ont loué). Plusieurs spectateurs ont quitté la séance en cours de projection. J’ai finalement regretté de n’avoir pas fait comme eux.