Adilkhan Yerzhanov a dit de ses films : « le destin de 100% de mes films, au Kazakhstan, c’est l’étagère, personne ne les voit » …Il y a 2 ans, « La tendre indifférence du monde », avait donné l’impression que c’était le premier film du réalisateur kazakh… en fait, c’était son 6ème mais le seul distribué en Europe…J’avais aimé « La tendre indifférence du monde », film d’une éclatante beauté, d’une beauté formelle qui faisait presque passer l’histoire au second plan… Dans « A dark, dark man », on retrouve le même univers cinématographique, mais décliné de façon beaucoup plus sombre, on retrouve les mêmes phénomènes de corruption, présentés ici avec beaucoup plus de violence. On retrouve aussi la comédienne Dinara Baktybaeva, dans un rôle de journaliste qui s'efforce de mettre des bâtons dans les roues d'une mafia policière locale… Nous sommes au bout du monde, dans un Kazakhstan de poussière, de solitude et de corruption. La première scène est démente : un policier se penche sur le cadavre d’un petit garçon, agrippe l’idiot du village, lui demande de se masturber pour truquer la scène de crime. Car dans ce coin paumé du Kazakhstan, le petit rituel est bien rodé : on maquille le crime et, contre une poignée de billets, on persuade les forces de l'ordre d'arrêter n'importe quel demeuré. Quelques jours plus tard, les policiers aident le suspect à se « suicider » dans sa cellule et l'enquête est close… jusqu'au prochain meurtre …Mais l’arrivée d’une journaliste, envoyée par la télévision nationale pour réaliser un sujet sur les affaires locales, trench serré à la façon de Humphrey Bogart et Montesquieu en poche (L’esprit des lois) va pousser Bekzat, jeune flic inexpérimenté mais qui connaît déjà toutes les ficelles et profite bien de du système à se ressaisir… « A Dark, Dark Man » tient à la fois du polar et du western. Du polar, Adilkhan Yerzhanov a gardé les accessoires. Il y a des flingues, quelques bagarres, mais pas de poursuites spectaculaires, car la voiture du policier s'entête à ne pas démarrer. Du western, Yerzhanov a filmé des paysages trop grands pour des humains lilliputiens. Le temps semble ici figé et ce bout de Kazakhstan paraît ne jamais pouvoir changer. Il est, en effet, à peu près impossible de déterminer à quelle époque se déroule notre histoire. Tout est cotonneux, insaisissable. Images des steppes, bâtiments abandonnés, visages durcis, rythme lent…C’est un peu glauque la steppe !! Sur une trame classique, sans rebondissements notables sinon un retournement intérieur pour le jeune policier et une fin à la Tarantino, « A dark dark man » déroule sa route étrange, parfois fascinante, monotone et la touche d’espoir finale n’efface pas son pessimisme écrasant...