Le problème avec les classiques du cinéma, c'est de trop espérer d'eux. On les laisse sagement dans un coin de notre tête avant de les attaquer, un jour, tout fier. Si la déception n'est pas systématique -heureusement- elle est cependant parfois au rendez-vous. Avec "Les Incorruptibles", ça n'a pas raté, et c'est avec étonnement que je me vois attribué tout juste la moyenne à très fameux film de mafieux. Les raisons sont simples : en plus d’être horriblement classique, le fond historique manque cruellement de détails, de crédibilité. Le scénario ne vaut en fin de compte pas une bille alors qu’il est tiré d’une histoire vraie passionnante et complexe. Au lieu de rendre son œuvre réellement captivante, Brian De Palma préfère faire l’impasse sur toutes les explications du contexte historique de la prohibition des années 1930, à Chicago. Au même titre, les protagonistes sont grossièrement présentés et leur psychologie, pensée et relation n’est en aucun cas approfondie. Difficile à rendre le tout très attachant. Eliott Ness (Kevin Costner), chef de la bande des incorruptibles, est affreusement caricaturé. Ses acolytes ne sont que de pâles ombres, sans une once de singularité ; impossible à rendre captivants. Le plus affligeant dans tout ça reste sans nul doute le personnage d’Al Capone, grand patron de la pègre, quoi se retrouve ridiculisé à travers les traits et mimiques d’un Robert de Niro en pilote automatique et bouffi. Sans exagération, le « grand méchant de l’histoire » est aussi insipide que vulgairement caricatural. C’est un véritable gâchis qui s’opère là alors que le potentiel et les ressources de départ étaient plus qu’abondantes. Mais non, De Palma a préféré nous livrer un film trop poli et conventionnel, sans aucun risque, sans aucune originalité. Alors certes la reconstitution historique est de très bonne facture (décors, objets, costumes, milieu urbain…), l’équipe du film a du douiller afin de retranscrire le Chicago des années 30. Les fusillades sont plaisantes à voir (mais ici encore très peu novatrices) ; heureusement que cette mise en scène d’une triste austérité est légèrement rehaussée par la bande originale d’Ennio Morricone. Les interprétations ne viennent pas redorer le tout ; le jeu minimaliste et peu communicatif de Kevin Costner ne colle absolument pas avec le tempérament de son personnage. Sean Connery est élégant mais son talent se voit outrageusement mutilé par le manque de sincérité et d’exploration de son rôle. Charles Martin Smith et Andy Garcia sont sympathiques, mais leur protagonistes sonnent aussi vide que faux. Pas la peine de tourner autour du pot : « Les incorruptibles » m’a laissé un arrière-gout plus que douteux. J’attendais bien mieux de la part de cette soi-disant relique du film de gangsters. S’ils se disent incorruptibles, alors mon amertume est inaltérable. 10/20