En 1987, Brian De Palma s'attaque à un épisode célébrissime de l'histoire de la pègre américaine et signe l'adaptation d'un scénario de David Mamet retraçant l'affrontement sanglant entre une improbable unité de police et le tout puissant Al Capone, monarque officieux d'une ville de Chicago totalement gangrénée par la corruption. Le film s'ouvre d'ailleurs par le portrait de cette personnalité dichotomique, à la fois vedette mondaine qui étale sa réussite avec délectation et dont les bons mots cyniques font les choux gras de la presse, et tyran mégalomane dont la violence est suggérée par le regard terrorisé du barbier qui l'a maladroitement coupé, avant de nous être pleinement dévoilée lors de la scène suivante, d'une rare brutalité. Cependant, Les Incorruptibles demeure un film policier plutôt qu'une fresque mafieuse et, conformément à son titre, s'attache à nous présenter la croisade un tantinet suicidaire des quatre agents qui affronteront, quasiment à eux seuls, les hommes de main de Capone tout autant que leurs collègues corrompus. Aux côtés d'un Kevin Costner et d'un Andy Garcia un peu ternes, Sean Connery et Charles Martin Smith campent des personnages attachants, qui donnent corps à cette équipe dont la force réside dans leur amitié et leur droiture. S'appuyant sur une bande originale époustouflante signée Ennio Morricone, De Palma déploie une impressionnante palette de tonalités, les séquences de suspense pouvant aussi bien s'achever dans la comédie, l'action ou la pure tragédie. Mais par dessus tout, la mise en scène séduit par la fluidité magistrale avec laquelle la caméra balaie ce Chicago des années 30 reconstitué, que ce soit dans un vaste hall de gare ou dans un appartement étriqué. Immersif et savoureux de bout en bout, Les Incorruptibles s'achève, alors que résonne le fameux thème musical principal, en nous laissant un ultime frisson de plaisir.