Faute d'une imagination assez fertile pour créer des slashers originaux, Christopher Landon a trouvé la parade parfaite : ressortir des concepts de films cultes du grenier et les passer au mixeur avec ce sous-genre horrifique dans le but de donner l'illusion d'un résultat inédit ! Après "Un Jour sans fin" avec ses deux "Happy Birthdead", le nouveau petit chouchou de chez Blumhouse s'attaque donc au fameux body swap de "Freaky Friday" et de ses nombreux remakes (le plus connu étant celui de 2003 avec Jamie Lee Curtis et Lindsay Lohan) pour le mêler aux codes du slasher dans ce "Freaky". Point de simple échange corporel mère-fille ici mais celui bien plus dangereux entre un tueur type Jason Vorhees et une de ses victimes Millie, une jeune lycéenne introvertie.
La manœuvre a beau être facile, il faut bien avouer que l'argument de ce mélange des genres a un potentiel très amusant... même s'il est déjà contrecarré par le souvenir du ton très aseptisé de "Happy Birthdead" sur le terrain du pur slasher, sans parler de sa suite qui préférait carrément mettre cet aspect-là de côté.
Bonne nouvelle, ces premières craintes sont assez vite balayées tant Christopher Landon cherche visiblement à montrer qu'il a eu les coudées franches pour faire jaillir un peu plus de sang à l'écran dès le joyeux massacre inaugural du film ! Après tout, avec un tueur masqué et monolithique agissant un "Vendredi 13" comme son plus illustre confrère, il était cette fois bien plus difficile d'éluder la promesse d'exécutions plus démonstratives et, autant dire, qu'elle sera bien tenue tout au long de "Freaky" qui réserve mêmes quelques jolies fulgurances à ce niveau.
Passé les présentations de slasher sommaire entre les points de vue de l'héroïne et du meurtrier, l'échange corporel va évidemment bouleverser les enjeux habituels en mettant le serial killer en jolie petite tête blonde capable désormais de se fondre parmi ses futures victimes et Millie en colosse mal rasé poursuivi par tous. À ce jeu, on peut dire que "Freaky" s'en sort bien, créant son lot généreux de situations saugrenues, certes toujours un peu prévisibles mais qui, dans ce contexte meurtrier, ménagent quelques effets comiques plutôt efficaces. À l'instar de la belle énergie fournie par Jessica Rothe dans les "Happy Birthdead", ce sont d'ailleurs encore une fois les très bons numéros de ses acteurs principaux, Vince Vaughn génial en adolescente et Kathryn Newton ("Big Little Lies") en tueur déterminé, qui arrivent à transcender les péripéties les plus attendues, sans compter les seconds couteaux plutôt efficaces dans leur genre. Mieux, Christopher Landon s'amuse même à appliquer cette inversion de rôles à certains clichés du slasher, plus très raccords avec notre époque, pour leur tordre le cou et en tirer de nouvelles variantes très drôles (le rapport de force d'un couple au début ou le coming-out par exemple). Bref, bien rythmé, gentillement gore et prêtant souvent à sourire, "Freaky" aurait tout d'un divertissement horrifique plus que sympathique... s'il ne se prenait pas les pieds dans le tapis des tenants et aboutissants moralisateurs de son intrigue.
Comme dans tous bons "Freaky Friday", le body swap est en effet un prétexte pour faire évoluer la petite vie "douloureuse" de ceux qui en sont victimes. Bon, en ce qui concerne un tueur assoiffé de sang en permanence, le problème ne se pose pas (le film a heureusement la bonne idée de ne pas essayer de le changer) mais, tous les actes de Millie dans ce nouveau corps et les meurtres vont n'avoir finalement que pour but de corriger les aléas de l'existence de cette lycéenne. Et c'est sans doute là que "Freaky" pêche le plus par manque d'inventivité, allant même jusqu'à désamorcer certains de ses moments les plus réussis pour sans cesse souligner l'inévitable affirmation de cette jeune fille vis-à-vis de son entourage, de ses amours, etc. De plus, en privilégiant principalement cet axe, le film laisse trop souvent sur le bas-côté toute son intrigue sur la correction de cet échange corporel pour la réduire à ses contours les plus schématiques, celle-ci devient ainsi bêtement (et littéralement) une course contre la montre aux rebondissements et aux réactions de personnages qui ne font que perdre en crédibilité jusqu'à une résolution pas si maligne que voulue.
Néanmoins, difficile de nier qu'avec "Freaky", bien meilleur que les "Happy Birthdead", Christopher Langdon est sur la bonne voie du divertissement horrifique. Quelques erreurs majeures de parcours restent clairement à corriger pour en livrer un qui comblerait toutes nos attentes mais "Freaky" est un palier intermédiaire prometteur pour l'avenir. Qui sait, peut-être qu'une idée totalement originale de sa part pourrait aboutir sur la meilleure oeuvre de sa jeune filmographie...