Chez Blumhouse, ça a souvent été tout ou rien. Mais depuis qu’on y apprécie les nuances, c’est tout de suite plus intéressant dans la forme. Christopher Landon n’en est ni le pionnier, ni l’ambassadeur le plus pertinent, mais il finit toujours par arracher de l’intérêt, là ou d’autres se sont minablement crashés sur l’autel de la parodie. Autant dire que le pari était déjà risqué avec son « Happy Birthdead », mais c’est un fabuleux coup de poker qui en résulte. La formule commence à prendre de l’ampleur et le funambule s’installe, dans le cadre de l’hommage facile, mais jamais moqué. Le postulat de « Freaky Friday » de Gary Nelson, maintes fois remaké, rarement égalé, n’a pas toujours eu les héritiers qu’il mérite, et ce, malgré un duo mère fille Jamie Lee Curtis et Lindsay Lohan. Cette fois-ci, on oppose un homme et une femme, tout en restant loin du glamour de « Your Name ». L’enjeu diffère, mais un certain sens du spectacle est assuré.
Ce n’est pas pour rien que le vilain du récit est surnommé le boucher. Cette approche au premier degré, nous ramène à la vibe des slashers des années 80-90, de « Halloween » et « Shining » à « Souviens-toi l’été dernier », en passant évidemment par « Vendredi 13 ». Mais c’est en assurant le cast avec Vince Vaughn, qu’on se permet de rentrer pleinement dans un demi-ton comique et horrifique. De ce côté-là, on ne boude pas notre plaisir à voir des corps éviscérés ou à sortir le pop-corn, c’est un bon festival d’exécutions gores. Rien à voir avec la personnalité introvertie et inoffensive de Millie (Kathryn Newton), modèle de la lycéenne qui ne parvient pas à se rassurer elle-même sur sa force physique et mentale. Un dépassement de soi et un bon tacle aux formes d’agressions et de harcèlement seront à la clé. Mais ce ne sera ludique qu’au bout d’un voyage terriblement long, qui plie et replie sans cesse les clichés, afin de les détourner.
Le cinéma d’horreur à longtemps baigné dans la fable sociale des invisibles ou des plus démunies, mais c’est avec ce genre d’argument que l’on souhaite redorer le blason de certains personnages, qui ne le dépasse malheureusement jamais leur fonction ou leur dimension symbolique. On adoube l’humour sans concessions et les comédiens principaux s’amusent dans leur double personnalité. Passer par la femme populaire et sexuée permet de mieux cerner la maturité, qui échappe aux groupes d’adolescents, où ils constituent les maîtres de l’établissement. L’environnement, évidemment machiste et empoisonné par l’arrivée de la technologie, dessert davantage leurs intérêts qu’ils ne les aident à se réconforter mutuellement. Au milieu de tout ce cafouillage, une fille cherche ainsi à se défaire d’une emprise et de se réapproprier son corps, qu’elle ne possède plus, qu’elle ne comprend plus. Un débat intérieur en découle, loin de la subtilité, histoire de bien accentuer le décalage, trop gentillet, à ne plus savoir si l’on prend le sujet au sérieux ou non.
En somme, « Freaky » n’est rien de plus qu’un train fantôme jubilatoire, avec un concept qui arrive à bout de souffle. Les limites sont nettes et la mise en scène ne tient que d’un burlesque monotone. Ce n’est donc ni avec cette volonté, ni avec cette stratégie de la cool attitude que Landon convaincra. L’humour n’arrache qu’un clin d’œil, s’il ne l’a pas déjà éborgné dans le développement de caricatures paresseuses, tous comme son scénario, qui vend mal l’idée d’un coming out. Le cinéaste, passionné par « Jennifer's Body » n’a donc pas grand-chose à offrir qui se démarque de ce qui a déjà été vu, fait ou refait.